Des Îlets perdus dans la verdure

Matteo sur un pont suspendu entre Îlet à Malheur et Îlet à Bourse.

Aujourd’hui nous partons pour une journée plus tranquille, puisqu’il y aura nettement moins de montée. Notre chemin nous conduit à travers plusieurs “Îlets” de Mafate: partis d’Aurère, nous traversons Îlet à Malheur, Îlet à Bourse, la Plaque, Grand Place, et finalement Cayenne. Ces petits villages coupés du monde et sans aucune route sont très jolis à traverser avec leur belles cases colorées. A 3 reprises, l’itinéraire descend vers des rivières qu’il faut traverser. Un passage se fait sur un pont, un autre à gué sur les pierres, et le meilleur : par une passerelle suspendue, l’occasion d’esquisser quelques pas de danse dignes du ballet Béjart. Vers Grand-Place, nous suivons un panneau “Boulangerie-Boutique” pour faire quelques courses. L’opportunité de trouver du pain frais nous réjouis, mais malheureusement, la partie boulangerie de l’échoppe ne consiste que d’un congélateur. Il est vrai que ces Îlets ne doivent pas être assez peuplés pour qu’un vrai boulanger s’y installe. Qu’à cela ne tienne, nous profitons de la magnifique vue offerte par la terrasse de cette boulangerie-boutique-gîte (le Pavillon) pour boire une dodo fraîche.

Il est 12h30 lorsque nous atteignons Cayenne. Juste l’heure de manger, en compagnie d’un chat assez téméraire dans ses tentatives de vol de nourriture. On se pose vers une chapelle. Un employé de l’ONF rencontré au gîte de Grand-Place nous avait indiqué l’existence d’un terrain de camping vers la chapelle, mais à part quelques m2 herbeux juste à côté du bâtiment, nous ne voyons rien… Ayant repéré une autre chapelle avec source sur la carte, Matteo se propose d’aller y faire un tour pendant que je garde les sacs. Il revient peu convaincu par l’odeur d’urine qui règne là-bas.

Vue depuis la terrasse du gîte de Cayenne

Le gîte de Cayenne étant juste à côté, on décide d’aller y faire une petite pause boisson. La terrasse du gîte est située à flanc de falaise avec une vue plongeante sur la rivière des Galets encadrée par d’imposants flancs rocheux. L’endroit est vraiment paradisiaque, et on se dit que l’on pourrait bien y rester pour la nuit. Mais tout à coup, une marcheuse de 35-40 ans débarque, suivie de 2 dames plus âgées. Le chien du gîte, un vieux bâtard à l’air inoffensif se dirige vers la plus jeune des 3 qui lui adresse la parole : “tu ne me mords pas, hein?” avant de crier à qui veut bien l’entendre (c’est à dire personne, donc) : “A qui est ce chien?” dans l’indifférence totale des personnes alentour, avant de commencer de soliloquer que son seul problème en voyageant seule, ce n’est pas la langue, pas les gens, mais les chiens, et blablabla et blabla bla (ad lib). L’arrivée de cette bruyante tête à claque nous donne envie de prendre nos jambes à notre coup, mais pas avant d’avoir demandé où se trouvait le camping.

Nous trouvons l’entrée du camping qui était littéralement sous notre nez durant notre pique-nique, mais de l’autre côté de la chapelle. Nous nous installons au calme, et une fois encore, dans un décor grandiose. L’accueil est très chaleureux, on nous offre l’apéro, et il y a des douches chaudes et WC. Que demander de plus?

Descendre pour mieux monter

On se réveille à l’aube et on plie discrètement la tente. Après un café et quelques biscuits, on part pour l’étape du jour. Le premier 1.5km est peu agréable, car il suit la route départementale descendant vers la côte, avec pas mal de circulation et aucun trottoir: aucune sécurité… et c’est un chemin pédestre! Mais nous arrivons bientôt au début du sentier qui doit nous amener au bord de la rivière des galets, puis dans le cirque de Mafate, où les routes ne seront qu’un mauvais souvenir. Des pictogrammes nous avertissent des dangers embusqués le long du sentier: passages de rochers, passages d’échelles, passages vertigineux, et passages glissants: tout un programme. Étant donné que le sentier d’hier ne comportait aucun avertissement de ce genre, on se demande ce qui nous attend! Sans être facile — le sentier descend vertigineusement de 900m à 250m d’altitude–, il reste tout de même bien plus aisé que celui du jour précédent.

Traversée à Gué du bras Sainte Suzanne. Ca glisse!

Arrivé en bas, il faut passer le bras Ste Suzanne à gué. Matteo bondit de pierre en pierre, mais connaissant mon agilité pour ce genre d’exercice, sans compter les 18kg sur le dos, cette manière de procéder se solderait par un plus que probable passage à la flotte. J’enlève donc mes chaussures et traverse dans l’eau. Nous entrons maintenant dans le cirque de Mafate dont les remparts se dressent de part et d’autre de la rivière des galets, que nous suivons à présent. Ces falaise verdoyantes sont impressionnantes, et l’on se sent pas bien grands. Il faut traverser la rivière 4 fois, ce qui se révèle bien plus faciles que le passage du bras Ste Suzanne. Mais, à cause de l’absence de pierres, il faut enlever les chaussures à chaque fois, traverser, se sécher les pieds, enlever le sable, remettre les chaussures, et repartir. Les Réunionais, eux, se baladent en baskets et traversent la rivière sans se déchausser ni même ralentir. Ils doivent avoir les pieds blindés pour ne pas avoir des cloques en marchant avec des baskets trempes… Au dernier gué, nous faisons la pose de midi, et en profitons pour se laver un peu, ainsi que nos T-Shirts.

Il nous a fallu 4h pour arriver jusque là, alors que le guide “ff randonnées” indiquait 1h40! Alors d’accord, peut-être que le temps de séchage des pieds après les passages à gué ne sont pas comptés, mais quand même, on est toujours loin du compte, ce d’autant plus que les autres tronçons ont été effectué en en temps sensiblement inférieur aux indications. Le sérieux et la fiabilité du guide sont grandement remis en cause(*).

Apéro sur le terrain de camping d’Aurère. On trouve même des Pringles dans les Îlets!

La portion du sentier le long de la rivière fût bien agréable: en pente douce, elle nous a aussi permis de se rafraîchir les pieds. Mais la rigolade est maintenant terminée, puisqu’il nous faut grimper à 950m d’altitude pour atteindre bord Bazar, soit environ notre altitude de départ: chouette étape en V. La montée est assez pénible, car nous montons sous un soleil de plomb un sentier très raide. En récompense par contre, le décor est grandiose, et l’on ne se prive pas de faire de courtes pauses pour admirer la vue, se reposer un peu et boire quelques gorgées d’eau. Après environ 2h de montée (alors que le guide en annonçait 40 min de plus, allez savoir!), nous arrivons au sommet. Une courte descente en pente douce nous conduit à Aurère, le premier véritable Îlet coupé du monde que nous traversons. Le village est équipé d’un terrain de bivouac avec une vue magnifique, et nous sommes tout content de nous y poser, avant d’arpenter l’ avenue principale d’Aurère (en fait le sentier GR!) à la recherche de l’épicerie (ou boutique, comme on dit par ici) pour compléter notre stock de nourriture.

(*) Note à postériori: En effet, on s’apercevra lors des étapes suivantes, que ce guide fait preuve d’une précision toute relative, faisant horreur à tout bon microtechnicien helvétique. On voulait même le brûler une fois la randonnée finie, mais j’en avais besoin pour écrire le journal de bord, alors en ce moment, il est sur mon bureau. Mais je ne donne pas cher de sa vie…

Montagnes Russes

Cette journée est partagée en 2 temps: Nous nous levons au lever du soleil (6h30), et après un rapide café, nous laissons les affaires et la tente sur place et nous commençons notre ascension de 430 m vers la Roche Écrite, l’un des plus beaux points de vue de l’île. La progression, en absence de sacs est un jeu d’enfant; enfin presque puisque le sentier est quand même un peu glissant. Nous progressons sur de la roche dans un paysage de savane. Le ciel est globalement bleu, mais des nuages débordent des sommets, laissant craindre un panorama bouché en haut, crainte qui se confirme au 3/4 de la montée, lorsque nous pénétrons dans la brume. De la brume surgit justement un spectre blanc — en fait une randonneuse dans une cape du plus bel effet– bientôt suivie de son mari habillé en spectre brun. Il s’agit d’un couple que nous avions croisé le soir précédent dans la salle à manger glauque du gîte, et qui avait l’ intention d’assister au lever du soleil depuis le sommet. Ont-ils eu la chance de bénéficier d’une vue dégagée?

Sommet de la roche écrite: 2276m

Arrivés à la roche écrite, nous nous trouvons face à une pénétrante purée de pois et à un vent frigorifique. On décide d’affronter le vent un moment et de rester pour voir si le ciel se dégage. Notre patience se révèle payante, car les nuages en altitude se dissipent rapidement, nous permettant de bénéficier d’une vue dégagée des sommets dominant les cirques de Mafate et Salazie qui demeurent, eux, sous une mer de brouillard. C’est déjà pas mal, mais après encore un peu d’attente, les cirques se vident subitement de leur brume, et un magnifique panorama s’ouvre sous nos pieds, plus de 1000 mètres plus bas. Après avoir pleinement admiré la vue, nous redescendons au bivouac, car malgré l’apparition du soleil, le vent a gardé la température assez basse.

Les nuages évacuent le cirque de Salazie: vue (presque) dégagée depuis la roche écrite
Matteo sur le chemin menant à Dos d’Âne

Après avoir plié la tente, la seconde partie de la journée débute, et nous nous dirigeons vers le village de Dos d’Âne. Il faut reprendre les sacs à dos: la partie de plaisir est terminée! Les paysages que nous traversons sont spectaculaires. On commence par traverser une forêt touffue dont les arbres ont des guirlandes de lichen, et font parfois des ponts au-dessus du chemin. Nous débarquons ensuite en bordure du cirque de Mafate, et bénéficions de points de vue grandioses sur la topographie acérée du cirque. Question sentier, par contre, c’est un peu plus technique, car nous avons affaire à un chemin pour petites chèvres, alors que, chargés de nos gros sacs, nous tenons plus de l’hippopotame que du cabri. Entre les marches de géant, les endroits boueux, les racines, etc. que d’endroit ou glisser! Heureusement, la végétation luxuriante aux abords du sentier rempli avec plaisir son rôle de main courante. Mais attention, certaines plantes ont des épines, comme ma main droite ne tarde pas à s’en apercevoir… Peu avant Dos d’Âne, nous marchons sur une crête pas beaucoup plus large que le sentier et bordée par deux précipices de ceux dont on n’a pas l’occasion de tomber deux fois. Lorsque nous arrivons à une intersection qui nous permet de couper une dernière montée, nous n’hésitons pas longtemps pour descendre directement sur le village.

Nous tombons par chance nez à nez avec une épicerie, dont le sympathique propriétaire nous convainc, après dégustation, d’acheter de son “fromage de tête” pour le pic-nique du lendemain. Nous nous dirigeons ensuite vers un terrain de pique-nique repéré depuis le sommet, où le camping est malheureusement interdit. Nous nous installons à une table et buvons une bière fraîche bien méritée, avec un peu de pain frais et de fromage de tête, dont il vaut mieux ne pas connaître la composition. L’essentiel, c’est que ce soit “bon”. Après le souper, nous installons discrètement notre tente un peu en retrait du terrain de pique-nique, cachée derrière des buissons.

Les choses sérieuses commencent

Ce matin, départ pour la randonnée à travers l’île. Nous gagnons le départ du sentier repéré la veille et nous commençons à monter vers le Brûlé, situé à plus de 800m d’altitude. Un bus permet d’atteindre le Brûlé depuis Saint-Denis, mais nous décidons d’éviter cette solution de facilité, et de profiter du joli sentier dans la forêt. Dans la montée, nous sommes dépassés par plusieurs coureurs, mais heureusement — l’honneur est sauf — par personne aussi chargé que nous.

Après le village, la carte indique qu’il fallait suivre une route goudronnée sur plusieurs km. Heureusement, il y avait en fait un sentier, et vu la hauteur des marches qu’il fallait gravir, ce dernier a été construit par un géant. Vers midi, nous atteignons une place de pique-nique (Mamode camp) où nous nous arrêtons pour manger et se reposer un peu.

Entrée dans la réserve de la roche écrite

Départ ensuite pour notre but de la journée: la plaine des Chicots. Nous entrons dans la réserve de la roche écrite, et la végétation est vraiment impressionnante, surtout de par sa quantité. Le sentier qui a commencé à monter doucement grimpe de manière vertigineuse dans sa dernière partie, et nos jambes et épaules commencent à se faire sentir. Mais nous voilà enfin à la plaine des Chicots, après plus de 1800m de montée. On installe la tente sur la place de bivouac, puis nous allons nous désaltérer au gîte. L’ambiance est assez lugubre, car peu avant notre arrivée, nous avons pénétré dans un nuage, et nous sommes dans une épaisse purée de pois assez fraîche. De plus dans le réfectoire du gîte, des draps masquent les fenêtre, et aucune lampe n’est allumée. Pour couronner le tout, les gardiens ne sont pas très causants, épient les randonneurs qui approchent par la fenêtre, et tiennent des messes basses dans la cuisine.

Réserve de la roche écrite

Il est 18h00 et déjà la nuit tombe: c’est le moment de faire à manger. L’épaisse brume se transforme en un léger crachin qui vient quelque peu perturber le repas. On espère avoir beau temps demain pour monter à la roche écrite.

Arrivée à la réunion

Nous débarquons tôt à l’aéroport de St. Denis après un vol sans histoire. Après avoir posé nos bagages à l’hôtel Select (ne pas se fier au nom…), nous partons pour une visite de la ville qui se révèle moyennement intéressante. Le front de mer est assez quelconque, et mis à part le jardin d’État, il n’y a pas grand chose à voir. Il faut dire que nous sommes dimanche et que presque tout est fermé: la ville semble déserte et morte.

Vers 12h30 nous retournons à l’hôtel pour prendre la chambre et partons ensuite en quête de nourriture pour les premiers jours de randonnée. Cependant, il aurait fallu faire cela en arrivant, car les quelques magasins ouverts le dimanche ne le sont que le matin (un bon point quand même: ils ont des magasins ouverts le dimanche à la Réunion)! Nous finissons par trouver une station service avec un shop pour acheter le minimum et prendre du carburant pour notre réchaud: “Bonjour monsieur, le plein… de ma bouteille de 1l SVP! Nous partons ensuite à la recherche du début du sentier GRR2 qui nous mènera du Nord au Sud de l’île, de façon à pouvoir y aller directement le lendemain avec nos gros sacs. On trouve par chance une épicerie ouverte, ce qui nous permet de compléter un peu notre stock de nourriture.

Nos nombreux km effectués à travers St. Denis nous ont permis de voir que nous sommes dans une ville très bureaucratique à en juger par les nombreux bâtiments officiels: office de blablabla, ministère du machin truc, organe de contrôle des trucmuches et j’en passe…