Retour à Saint-Denis

On peut dire que l’on a eu de la chance niveau météo lors de notre randonnée: hormis les derniers km avant d’arriver à la plaine des cafres, il n’a jamais fallu sortir de protection contre la pluie. Aujourd’hui par contre, il fait franchement moche (comme quoi ça arrive aussi sur les îles paradisiaques); il est temps de rentrer. Petit déjeuner à l’hôtel. Le réceptionniste est tout gentil, mais n’a pas la lumière à tous les étages…

Départ pour la gare routière. Il y plusieurs possibilités pour rejoindre Saint-Denis, mais vu que l’on a le temps, on prend l’itinéraire par la côte. De l’aperçu réduit que l’on peut en avoir depuis les fenêtre du car (et le mauvais temps n’aide pas), la côte Ouest de la Réunion semble assez ennuyeuse et monotone; une enfilade de villes dont les faubourgs ressemblent aux villes de France métropolitaine. Tout y est: les méga-hyper marchés en tôle, et surtout l’anarchie de panneaux publicitaires qui défigurent le paysage (Super le marteau-perforateur 850W de Mr. Bricolage à €39.90). Au centre des villes toutefois, le décor est un peu différent, avec de nombreuses petites échoppes, des gens qui grillent des poulets etc. Bref, bien que l’on soit dimanche, les villes sont quand même animées… jusqu’à ce que l’on atteigne St-Denis après 2h30 de car: comme il y a 2 semaines, c’est mort de chez mort.

Le ciel est couvert et menaçant, alors on s’installe dans le premier bistrot ouvert et couvert que l’on trouve, les 3 brasseurs : bières ambrées et flammeküche… oooops, pas très local! On mange, on goûte aux bières, et bientôt il est l’heure de se diriger vers la gare routière pour prendre la navette de l’aéroport. Depuis la gare routière, on aperçoit les pentes verdoyantes qui mènent de la Providence au Brûlé; le début de notre périple 2 semaines auparavant. Alors qu’est-ce qu’on fait? On repart pour un tour ou on va prendre l’avion? Malheureusement, nous optons pour la voie de la sagesse et choisissons l’aéroport. Une chose est sûre cependant: la Réunion doit absolument être rangée parmi les destinations à revisiter dans un futur plus ou moins proche (*)…

(*) Note à posteriori: J’y suis retourné en 2012 avec mes parents!

Les derniers kilomètres

Ça y est, ce matin la dernière (toute petite) étape nous attend. On replie la tente et on part en direction de basse vallée, que l’on atteint après environ 2 heures de marche. On profite de notre retour à la civilisation pour déguster un vrai petit déjeuner: café, pains au chocolat et jus de fruit.

L’horaire de bus est dans un sale état et passablement difficile à décoder. Posés sur notre banc de pierre, il ne nous reste plus qu’à attendre… La sortie d’un service religieux crée momentanément un petit bouchon sur la route, puis tout redevient calme. Le bus se pointe assez rapidement, et nous voici en route pour Saint-Pierre, que nous atteignons après environ 1h de trajet. Nous trouvons rapidement un petit hôtel où nous commençons par un décrassage intégral bienvenu. La douche permet d’enlever cette partie du bronzage qui part à l’eau, et nous voici propre mais revêtu du hâle du randonneur ayant marché pendant 2 semaines dans la même direction; vers le Sud.

On profite de notre unique passage dans la civilisation lors d’un jour ouvrable pour écrire les cartes postales et ramener quelques spécialités. En dehors de cela, surtout après avoir passé deux semaines dans les magnifiques Hauts sauvages, Saint-Pierre ne présente que peu d’intérêt, et nous sommes tout de même passablement fatigués.

Une descente vertigineuse

On se lève un peu plus tôt que prévu, la faute à la personne dormant au-dessus de Matteo et qui se retournait comme une crêpe depuis 4h du matin, fait que j’avais d’abord faussement attribué à Matteo (J’avais toutefois une bonne raison de le soupçonner). On quitte donc la chambre vers 6h30, faute de pouvoir dormir. Ahh, la tranquillité du bivouac n’a pas de prix… Après un café et munis une fois encore de nos copieux pique-niques, nous nous mettons en route.

De 2300 mètres d’altitude, nous devons redescendre jusqu’à 700m. Comme hier, nous nous situons à la limite supérieure des nuages, mais ceux d’aujourd’hui sont plus tenaces et il fait assez froid. Nous longeons le rempart vers le Sud-Ouest, mais bien que nous devrions bénéficier de jolies échappées sur le volcan, la brume sans cesse mouvante garde le cône et le fond de l’enclos cachés à nos yeux. Le ciel se dégage lorsque nous commençons notre plongée vers la côte, qui débute quelque peu dans la boue et nous fait craindre le pire. L’endroit s’appelle Foc-Foc, et c’est exactement le bruit que nos chaussures font sur le sol. Donc une fois encore, voici un nom super bien trouvé. Toutefois, le sol redevient rapidement pierreux et sans terre, et par moment, nous marchons sur de véritables serpents de lave solidifiée.

Superbe forêt touffue moite et brumeuse en redescendant vers Basse Vallée.

La végétation commence à reprendre ses droits et colonise les nombreux petits pitons volcaniques qui se trouvent dans la pente. Le paysage est magnifique et s’étend jusqu’au bord de la mer, 2000m en contrebas. Plus on descend plus les arbustes grandissent jusqu’à devenir plus hauts que nous. En quelques mètres, la végétation change brusquement du tout au tout, et nous pénétrons dans une épaisse forêt vert-foncé et plongée dans une brume moite et dégoulinante. La progression est un peu ralentie, mais la beauté du chemin mérite bien ces quelques petites difficultés.

A 700 mètres d’altitude, nous trouvons un kiosque avec une zone de gazon plate à côté: le coin parfait pour notre dernier bivouac. Le gîte de basse-vallée n’étant pas loin, je vais chercher des bières fraîches et des flûtes (bonbons en créole) et nous nous installons pour la soirée

Un explorateur dans une forêt bien touffue et humide

Bienvenue au Mordor

Après une bonne nuit de sommeil, nous partons pour une balade de santé: laissant presque toutes les affaires au gîte, et munis d’un copieux pic-nique fourni par ce dernier, nous partons à la découverte du piton de la fournaise. Une courte montée nous amène au pas de Bellecombe, au bord de la falaise qui borde l’enclos. Une série de marches nous conduit ensuite au bas de la falaise pour une promenade sur la lave.

Ici, Sauron reigne en maître. Nous avons trouvé le Mordor!

Le sentier montant au sommet du cratère est fermé suite à des éboulements, et normalement interdit d’accès. Cela n’empêche pas de nombreux touristes de s’y aventurer. Puissent-ils servir de sacrifice humain au dieu Volcan… (L’important, dans les offrandes faites aux volcans, c’est de garder à l’esprit qu’ils ne digèrent pas le lactose, n’est-ce pas Guybrush?) Nous empruntons donc un autre sentier qui part sur le flanc Ouest du volcan, vers le cratère Rivals. La première partie du “sentier” (plutôt des marques de peintures peintes sur la lave pour ne pas se perdre en cas de brouillard) traverse l’enclos sur de vastes coulées de lave solidifiée en roche bien stable. Il est encore tôt, et le soleil n’a pas encore réchauffé l’air. Des montées de brouillard nous encerclent donc et donnent au paysage un air encore plus inquiétant. Peu à peu, la nébulosité se dissipe et nous laisse apercevoir l’imposant dôme (ou plutôt le “domme” pour adopter la prononciation française) du piton de la fournaise.

Une fois arrivés au pied du volcan, et lorsque le sentier commence à s’élever, le sol change du tout au tout. Nous passons sur plusieurs coulées de lave, tantôt formées de nombreuses scories, ou de roche vitrifiée ayant un aspect brillant et huileux. Les couleurs passent du noir foncé au rouge en passant par le mauve. En progressant vers l’Ouest, de nombreux cratères secondaires apparaissent, dans un décor exclusivement minéral ressemblant au Mordor de Tolkien.

Pas besoin de s’éloigner beaucoup du Volcan pour retrouver une abondante végétation. Ici sur le bord du rempart à l’Est du pas de Bellecombe.

De retour au gîte dans le courant de l’après-midi, nous profitons de la jolie vue, puisqu’aujourd’hui, le temps est resté bien dégagé. Par contre, pas question d’aller s’assoir sur le balcon du gîte: ce dernier n’étant que décoratif et pas homologué pour supporter des carcasses humaines! On se pose donc sur l’herbe un peu plus haut. Un couple et deux gamins insupportables se trouvent aussi devant le gîte. Je fais croire à Matteo que les parents s’offrent une chambre double et casent leurs mioches en dortoir, et que ces derniers seront dans notre chambre. Je dois vite avouer qu’il s’agit d’un plaisanterie, en voyant le rictus d’horreur déformer le visage de mon coéquipier!

Vue depuis le Piton Sale: Barrière rouillée, brume et forêt…

Arrivent soudain au gîte 2 silhouettes connues: il s’agit du couple croisé au gîte de la plaine des Chicots lors de notre premier jour de randonnée. Matteo avait trouvé leur accent particulier, et en les entendant discuter, il devient clair qu’ils sont belges. Donc nous ne sommes pas les seuls touristes non français sur l’île. (Ah oui, à Cilaos on a entendu une famille parler Schwiitzertüütch). On se retrouve d’ailleurs à côté d’eux au repas du soir, et vu qu’ils on fait le même itinéraire que nous (avec un jour de repos à Cilaos), on en profite pour échanger nos points de vue. Que ce soit ce que l’on a aimé (Mafate, Ti col, superbe itinéraire en général), et ce qui était plus douteux (guide ff randonnée, boue en descendant sur la plaine des cafres et “glauquise” du gîte de la plaine des Chicots).

De végétal à minéral…

Au réveil, même topo que le soir: temps écossais de catégorie 3. Mais tout d’un coup, le soleil fait une timide apparition, le temps d’apercevoir les montagnes environnantes et de s’assurer que nous sommes toujours à la Réunion. Quand on part, le soleil est bien là: tant mieux! La plaine des Cafres se présente donc sous un jour bien meilleur, et il est très agréable de progresser le long du sentier. Il y a certes un passage un peu boueux, mais ce n’est rien comparé à hier.

L’itinéraire commence sur des prairies grasses sur lesquelles se prélassent des troupeaux de vaches. Pour passer de champs en champs des échelles en V inversé de 4 ou 5 marches permettent de franchir les clôtures. Si certaines sont en bois massif et facile à passer, d’autres en métal et mal fixées sont plus délicates à négocier. Il est certain que les vaches ne savent pas gravir les échelles, mais (c’est en tout cas le cas de leurs consoeurs helvétiques), elles ne devraient pas non plus être capable de franchir ces petits tourniquets qui poussent dans nos champs, et ces derniers sont tellement plus agréables à franchir pour les piétons.

Un fier conquérent à la conquête du Piton de la Fournaise.

Il y a 900m de dénivelé à franchir pour atteindre le gîte du Volcan où nous dormirons ce soir (l’absence de point d’eau et de ravitaillement nous pousse à temporairement abandonner le camping). Mais une fois n’est pas coutume ce dénivelé s’effectue en pente douce, sur un chemin facile à parcourir. Au fur et à mesure de notre progression, nous quittons le paysage essentiellement végétal de la plaine des Cafres pour un monde de plus en plus minéral, bien que la verdure demeure encore bien présente.

Le volcan reste bien caché jusqu’à ce que nous parvenions à l’oratoire Ste Thérèse où nous pique-niquons. De là, superbe vue sur la plaine des sables et le volcan, même si la brume s’amuse à nous cacher la vue de temps en temps… Lors de la traversée de la plaine des sables, la végétation s’efface presque totalement. Des cristaux de glace sur le sol laissent à penser qu’il ne fait pas chaud la nuit par ici.

Le sentier pédestre traversant la plaine des sables.

Nous arrivons au gîte avec le soleil, mais les nuages ne tardent pas à nous englober. Souper au gîte le soir: le repas nous apparaît princier par rapport à nos habituels pâtes ou riz. Nous allons ensuite rapidement nous coucher, car cette magnifique étape sous le soleil nous aura tout de même bien fatigués: après le rhum arrangé accompagnant le dessert, nos yeux se fermaient tout seul.

Hou la gadoue, la gadoue

Journée en 2 temps: 1°) Aller voir le lever du soleil au sommet du Piton des Neiges et 2°) poursuivre notre route jusqu’à Bourg Murat.

En ce qui concerne le premier point, nous ne sommes pas tout à fait sûrs de l’heure du lever du soleil. Le GPS indique 6h55, mais ça nous paraît tard (Le froid aurait-il engourdi nos cerveau au point que le fait que l’on voit la lumière du soleil bien avant le lever à proprement parler nous échappe momentanément???).

Au fond, le volcan émerge timidement. Il paraît loin, mais nous y serons dans 2 jours.

On met le réveil à 4h00 (quand même, on aura 8h00 de sommeil!) et on part vers 4h30 en direction du sommet à la lumière de nos lampes frontales. A voir le petit défilé de loupiotes qui part du gîte, notre heure de départ est bien choisie. Nous arrivons au sommet une heure plus tard et sommes accueillis par un vent glacial, et une première personne qui nous a précédée. Petit à petit les gens arrivent, et nous ne tardons pas à être une cinquantaine. Aux environs de 6h00, l’horizon se teinte de rouge à l’Est, et nous découvrons le volcan ainsi que la plaine des cafres, cette dernière complètement recouverte de nuages. 1900 mètres sous nos pieds, Cilaos dort encore…

Le bivouac le plus haut de notre périple: Caverne Dufour, 2483m. C’est plus agréable maintenant avec un peu de soleil qu’hier soir!

Nous profitons de ces magnifiques lumières et commençons à descendre au moment où le soleil se lève… à 6h55 (toujours faire confiance à la technologie!). La lumière et le paysage sont magnifiques. Nous atteignons le gîte 1h plus tard et allons y boire un café avant d’aller replier notre tente et de poursuivre notre périple en direction de la plaine des Cafres.
La carte indique un itinéraire assez long, mais en pente douce. Une étape plus facile? Que nenni! Ça commence pourtant assez bien: malgré un chemin assez chaotique, nous longeons la bordure du cirque de Cilaos, avec de superbes échappées. Tout se complique à partir du moment où le chemin commence à descendre: d’abord humide, celui-ci devient boueux avant de tourner au franchement inondé et de finir en rivière. La progression est lente et pénible. Il faut faire attention à chaque pas de ne pas avoir de la gadoue jusqu’aux chevilles, ou de carrément tomber dedans. Ce chemin boueux continue jusque tout en bas, et il nous faudra plus de 5h00 pour atteindre notre but tout crottés. Arrivés sur la plaine des Cafres nous entrons dans des nuages, et il commence à pleuvoir. Pluie, brume, boue, champs et vaches: impossible de dire si nous sommes en Écosse ou à la Réunion.

Direction la plaine des Cafres depuis la caverne Dufour. Vue sur le coteau Kerveguen, qui délimite le cirque de Cilaos

Bien des noms à la Réunion sont assez descriptifs du lieu qu’ils définissent: “Roche Écrite”, un rocher avec des inscriptions; “Deux Bras”, où deux bras de rivière fusionnent, etc. Bon, il y a le Piton des Neiges qui ne doit pas en voir beaucoup et fait donc exception, mais quand nous arrivons à la “Mare à Boue”, force nous est de constater qu’il s’agit à nouveau d’un nom bien trouvé.

Nous arrivons à l’intersection avec la RN3 où se trouve une aire de pique-nique avec quelques kiosques. L’endroit n’est pas très sexy (les lieux magnifiques où nous avons planté notre tente les jours précédents, ainsi que la brume momentanée n’aident certainement pas…), mais il devrait nous permettre de nous passer des 3.5 km AR le long de la route nationale pour rejoindre Bourg Murat. En effet, nous avions fait les courses en conséquence et avions donc de quoi manger avec nous. Mais le point d’eau que nous nous attendions à trouver à la place de pic-nique n’existe visiblement pas… On ne coupera donc pas à quelques km en plus le long de la route. Matteo se propose d’y aller pendant que je garde les sacs et plante la tente. Il revient non seulement avec la précieuse eau, mais avec bières et chips pour s’improviser un petit apéro et nous redonner le sourire.

Camping à 2486 mètres

Après un copieux petit déjeuner à l’hôtel, histoire de se donner des forces, nous partons à l’assaut du rempart qui entoure Cilaos. Nous sommes à 1200m d’altitude, et nous devons atteindre le gîte de la caverne Dufour à 2500m. A voir la carte et les courbes de niveau presque superposées, c’est à se demander si nous n’aurons pas à gravir une échelle verticale. La première partie de l’itinéraire nous mène au “bloc”, le début de la montée sérieuse. Celle-ci est décomposée en deux tronçons séparés par un petit plateau à 2000 mètres, que l’on atteint vers midi, l’heure parfaite pour reprendre quelques forces avant d’attaquer la dernière partie de la montée.

Vue sur le Piton des neiges. On est presque en haut: plus que 600m de dénivelé.

Nous atteignons ensuite le col avant de nous diriger vers le gîte tout proche. En attendant son ouverture pour prendre un rafraîchissement bien mérité et pour se renseigner sur la localisation de l’aire de bivouac que l’on a pas encore repérée, nous nous posons dans l’herbe au pied du gîte pour nous reposer un peu. Mais qui voilà qui débarquent et s’installent à 2 mètres de nous? Vous ne le croirez jamais: Grande gueule 1 et Grande Gueule 2, que l’on avait déjà croisés à Marla! Nous sommes forcés de constater que la montée jusqu’à la cabane ne leur a pas coupé la chique, et que malgré leurs incessants jacassements, il leur reste encore des sujets de conversation à aborder! Matteo craque le premier et part faire un petit tour à la découverte des environs, ce qui l’amène à découvrir l’emplacement du bivouac. Nous nous y rendons sans plus attendre, laissant nos deux pipelettes à leur passionnante conversation. Nous installons notre bivouac à 2486m, le camping le plus haut de notre périple, et donc aussi le plus frisquet… Brrr, il ne fait pas très chaud, mais de toute façon il faut aller se coucher tôt car demain sera une longue journée…

Un inoffensif coq

Aujourd’hui, nous sortons du cirque de Mafate pour entrer dans celui de Cilaos, via le col du Taïbit. La montée est à l’ombre pour une fois, et nous paraît plus facile que prévue. Arrivés au sommet du col, nous avons effectué la totalité du dénivelé positif annoncé par le guide ff randonnées, laissant présager un chemin en descente jusqu’à la ville de Cilaos, notre but du jour. Alors en route…

On s’arrête dans la descente à un petit stand de l’association des 3 Salazes (des tisaniers dont la production ne doit probablement pas uniquement être bue…) pour un café et un bout de gâteau. Il y a là un journaliste de Lille qui veut poser des questions au fondateur de l’association. Mais voilà le reporter tout d’un coup terrorisé par l’arrivée d’un coq bien inoffensif, attiré par les miettes de mon gâteau. C’est la première fois que je vois quelqu’un effrayé et tétanisé par un simple coq. D’ailleurs, il est vraiment étrange de voir un Français paniquer devant son symbole national!

Arrivés au croisement de la route, on se rend compte – une fois encore – que les informations du guide ff randonnées sont totalement erronées, car nous voici déjà à peu près à l’altitude de Cilaos, mais il va falloir descendre au pied d’une rivière pour remonter de l’autre côté. Résultat : Plus de 100% d’erreur relative sur les dénivelés annoncés pour l’étape! C’est du sérieux ce topoguide…

Nous voici donc arrivés à Cilaos pour une nuit de remise en forme à l’hôtel avant de partir au Piton des Neiges. Nous profitons de la douche chaude et d’un bon repas créole au restaurant, sans parler d’une bonne nuit de sommeil.

Un gouffre de 80m

Aujourd’hui, direction Marla. Deux itinéraires s’offrent à nous pour atteindre notre but: On peut continuer de suivre le GRR2 que nous longeons depuis St. Denis, mais le parcours semble assez corsé, avec une descente vertigineuse au pied du Bronchard, puis une grimpette sur l’autre versant. L’autre possibilité consiste à suivre le GRR3 via 3 Roches. En plus d’être légèrement moins pentu, cette variante a aussi le mérite de passer par 3 Roches, un gouffre de 80m dans lequel plonge la rivière des Galets. La décision est vite prise : ce sera la seconde variante.

Trois Roches. La rivère des Galets se jette dans un gouffre de 80m

Nous longeons le pied du rempart du Maïdo, et arrivons à 3 Roches vers 10h30. L’endroit est très joli, et nous en profitons pour faire une pause et manger une orange. Nous sommes le weekend, et les chemins de randonnées sont tout de suite plus fréquentés. Durant le première heure de marche, on aura croisé autant de personne que les 5 derniers jours. La plupart arpentent le sentier au pas de course, probablement comme entraînement pour le Grand Raid (ou plus justement appelé “la diagonale des fous”). On mange après encore environ 1 heure de marche, au bord de la rivière des Galets.

Ensuite vient le dernier effort de la journée : la montée vers Marla. Vu l’entraînement des derniers jours, elle passe comme une lettre à la poste. A Marla, nous nous arrêtons à un petit bar/épicerie pour une bière fraîche et pour profiter de la vue… malheureusement pas dans le calme, la faute à deux marcheurs pipelettes présents sur la terrasse qui causent sans arrêt (mais vraiment, pas une seconde de pause, quand l’un respire c’est l’autre qui parle, incroyable !) . Au bout d’un (long) moment, ils prennent la décision de faire une sieste dans l’herbe, et règlent une alarme sur leur téléphone. Matteo et moi croisons les doigts… Mais en vain, car ils continuent à causer. Heureusement, ils finissent par décider d’abandonner la sieste et de s’en aller. Ahhhhhh…

J’essaie de repérer le col du Taïbit, par lequel nous quitterons demain le cirque de Mafate, pendant que Matteo semble occupé à scruter une imposante montagne devant nous. « Samuel, cette montagne là-devant…» Pensant qu’il cherche lui aussi l’emplacement du col, je lui réponds : « Ne t’en fais pas, c’est beaucoup trop haut pour être le col. On ne va pas là.» « Non mais je crois que c’est le Piton(*) des Neiges » Après vérification sur notre carte, il se trouve que Matteo avait raison : c’est LUI, cette imposante masse que Matteo m’avoue avoir à l’œil depuis un moment déjà. Donc finalement, oui, en effet, on ira jusque là, mais un peu plus tard.

Bivouac vers Marla à côté d’un petit ruisseau, et incontournable apéro…

On profiterait bien de l’épicerie pour faire des courses, mais le propriétaire s’est volatilisé sur son Quad. Qu’importe, on reviendra plus tard ; allons déjà planter la tente. On suit un panneau indiquant “Bivouac” mais sans trouver l’emplacement. Par contre nous trouvons un coin parfait à côté d’une petite rivière, et ayant manifestement déjà servi. Ce soir, c’est nous qui en profiterons. Une fois la tente montée pour qu’elle sèche de l’abondante rosée du matin, Matteo repart vers l’épicerie pour acheter de la nourriture.

(*) Et non Python des Neiges, comme je l’ai déjà vu écrit…

De grosses araignées

Départ du Camping un peu après 8h00 direction Roche-Plate. L’itinéraire commence par descendre vers la rivière des galets que nous franchissons à l’aide d’une passerelle de métal. S’en suit une brusque montée à flanc de coteau et au soleil en direction de l’îlet des Lataniers. Le chemin s’enfonce ensuite dans un étroit défilé ombragé, frais et fleuri, qui présente le double avantage de nous rafraîchir et de nous offrir encore un nouveau décor auquel nous ne nous attendions pas. D’ailleurs Slartibartfast a peut-être gagné un prix pour ses fjords de Norvège, mais le façonnage de la Réunion a probablement valu à son auteur un prix tout aussi prestigieux. Puisque l’on aborde le domaine de l’imaginaire, c’est le moment de mentionner que, au vu de son relief tourmenté et des hélicoptères qui s’engouffrent dans d’étroits passages, Matteo et moi sommes convaincus que l’île sert de base secrète au docteur No. Son plan machiavélique n’est pas encore très clair: peut-être s’agit-il d’un laser géant installé au sommet du Piton des Neiges avec lequel le SPECTRE menace de découper un quartier de la lune si les pays de l’OTAN ne versent pas une lourde rançon sous forme de diamants. Ou peut-est-il basé au Piton de la Fournaise qu’il a appris à maîtriser et menace-t-il de tirer des boulets de lave balistiques sur les principales villes européennes? Quoi qu’il en soit, notre itinéraire passe par ces deux points, et nous sommes bien déterminés à mettre un terme aux agissements maléfiques du Docteur No. Ceci dit, revenons à nos moutons…

Au sommet du Ti Col; un peu de repos après une forte montée (mais ce ne fût pas la pire…)

Peu après l’îlet des orangers, la brusque ascension verticale reprend pour atteindre Ti Col le long d’un sentier aux marches presque humaines. Arrivés au sommet, 16 yeux maléfiques nous scrutent: on a beau savoir qu’elles sont inoffensives, mais ces deux immenses araignées (bibes) sont quand même imposantes. La vue vaut — une fois encore — l’effort que nous avons fourni. sur notre droite nous apercevons notre but du jour: Roche Plate ainsi que le fond du cirque de Mafate. Sur notre gauche se déroule l’itinéraire des jours précédents, depuis la roche écrite jusqu’aux îlets traversés la veille.

Vue sur le Nord du cirque de Mafate depuis Ti col. Sur le plateau central trône Grand-Place.

Nous profitons de ce décor grandiose pour pic-niquer, avant d’entamer notre descente sur Roche Plate, où nous trouvons un camping chez l’habitant. Décor grandiose depuis notre petite terrasse, avec vue sur le Bronchard et le village de Roche-Plate. Juste dommage que la douche n’ait que l’eau froide… Après un peu de repos, on part de balader dans les environs pour faire quelques courses, dont une cure de vitamines C avec un jus fraise-banane et 4 oranges que le propriétaire va nous cueillir sur l’arbre et nous apporte avec quelques feuilles, histoire de nous montrer que les oranges poussent sur des arbres, et non dans les filoches de la Migros. Ceci dit, elles manquaient un peu de maturité, mais qu’importe!

Cirque de Mafate depuis Roche Plate. Les quelques maisons au fond, c’est Cayenne où nous avons dormi la veille.