Les Français magiques

Coqueza – Colcha K

Nous nous levons avant 4 heures du matin pour monter sur le volcan Tunupa. Evans et Juana sont déjà prêts et cette dernière nous a même préparé un petit-déjeuner. Ensuite Evans nous conduit en voiture jusqu’au début du sentier, que nous empruntons, à la lumière des lampes frontales. Lorsque l’on arrive à la limite des brousailles et qu’il faut commencer à monter sur le volcan proprement dit, deux chemins s’offrent à nous.

Lever de soleil sur le salar d’Uyuni depuis le volcan Tunupa

Nous choisissons le chemin de gauche, et la présence de cairns semble indiquer que nous sommes sur le bon chemin. Nous arrivons sur une petite crête, d’où nous jouissons d’une vue privilégiée sur le lever de soleil au-dessus de l’étendue blanche du Salar. Nous continuons la progression, mais le chemin sur le volcan est très raide et instable, et nous nous demandons si nous sommes sur le bon chemin, quoiqu’il paraisse clair que des gens sont bel et bien passés par là. Toutefois, en prenant un peu de hauteur, on voit un autre chemin mieux marqué qui attaque la montée sous un autre angle. Nous faisons donc demi-tour afin de prendre cette voie, et nous voici assez rapidement au sommet. Le paysage est assez surprenant. D’une part, en regardant vers le bas, on aperçoit la vaste étendue complètement blanche et plate du Salar, avec ses quelques “îles” ici et là. D’autre part, nous nous trouvons sur une zone de roches rouges et ocres, mais juste en face, de l’autre côté du cratère, la couleur passe au gris presque bleuté avec quelques tache de neige. Ajoutons un petit arbuste vert qui a le courage de pousser là et voici une palette de couleurs bien contrastées.

Peu de temps après avoir quitté le sommet, nous croisons une famille de français qui montaient et devaient être à environ une vingtaine de minutes du sommet. Ils étaient tous bien équipés et cela ne faisait pas de doute qu’ils allaient atteindre le sommet. Cela les met donc à en tout cas 30 minutes derrière nous, en comptant une courte pause au sommet. De notre côté, nous ne nous sommes arrêtés que pour enlever une couche de vêtements, et n’avons été dépassés par personne.

Volcan Tunupa, aux bords du salar d’Uyuni

En arrivant au parking, Evans semble trouver que nous avons fait un peu vite et ne croit pas que l’on soit arriver jusqu’en haut du volcan. Il nous faut lui montrer une des photos que l’on a prise pour qu’il soit satisfait. On reçoit en échange un chocolat en guise de récompense. Avant de reprendre la voiture, Evans nous conduit à une petite grotte à deux pas du Parking où se trouvent 4 momies, dont deux enfants.

Momie au pied du volcan Tunupa

C’est là que survient un phénomène que les lois de la physique peuvent difficilement expliquer, et qui demeure un mystère jusqu’ici non-résolu: dans la grotte à la momie, se trouve la famille française que l’on a croisée en redescendant du volcan. Matteo et moi nous regardons sans comprendre: Ils étaient en tout cas 30 minutes derrière nous, alors comment peuvent-il être ici? A supposer qu’ils aient renoncé à aller jusqu’en haut et fait demi-tour, nous sommes certains qu’ils ne nous ont pas dépassés (personne ne dépasse Matteo). Toutes les hypothèses y passent: portail spatio-temporel? Peu crédible. Nous nous sommes évanouis une heure au bord du sentier, puis réveillés sans rien remarquer? Oui mais Evans a dit que l’on a fait vite… Ils ont une famille sosie? C’est complètement ridicule, mais encore l’hypothèse la plus plausible. Quoi qu’il en soit, cet épisode nous aura perturbé, et plusieurs fois au cours des jours suivants, le scène suivante s’est déroulée: -Tu as l’air pensif? -Oui, ça m’énerve! -Quoi donc? -Mais cette famille française téléportée? -Ah les Français magiques? Tu as raison, ça défie l’entendement.

Nous repartons en voiture sur le salar en direction d’Uyuni. Quelques questions de Matteo au chauffeur nous font comprendre que notre cuisinière, Juana, est en fait sa mère. Ceci explique pourquoi il lui demandait conseil hier! Et que demander de mieux: avec maman qui surveille, on n’est sûr que notre chauffeur ne boira pas au volant. D’ailleurs nous ne l’avons jamais vu boire de l’alcool, et il était toujours à l’heure et très sympathique. Quant à notre cuisinière, elle était aussi parfaite, mais nous apportait trop à manger, et quand on ne finissait pas tout, elle croyait que l’on n’avait pas aimé!

Isla Incahuasi: cactus et mer de sel

Nous arrivons sur l’île de Incahuasi, au milieu du salar sur laquelle pousse un grand nombre de cactus jusqu’à plus de 10m de hauts pour les plus grand, et quand on sait qu’ils poussent de 1cm par an… Cette île remplie de cactus droits comme des I et entourée par la mer de sel vaut vraiment le déplacement. D’ailleurs, nous ne sommes pas tout seul, car c’est une étape incontournable du tour de la région.

Le soir, nous dormons dans un hôtel de sel. Lorsque l’on y arrive, l’extérieur du bâtiment fait un peu peur, et on se demande bien ce que l’on va trouver à l’intérieur. Mais c’est le contraste total, puisque nous entrons dans la salle à manger au carrelage blanc immaculé que deux enfants sont entrain de lustrer. La chambre a des vrais lits et de la literie, pas besoin du sac de couchage cette nuit. Il y a même une douche dans la chambre! Juana profite qu’il y ait un four pour faire des Lasagnes!

Du sel en veux-tu, en voilà!

Uyuni – Coqueza

A l’heure convenue, Evans vient nous chercher à l’hôtel, puis nous conduit au cimetière des trains à quelques kilomètres de la ville où s’entassent une bonne dizaine de locomotives à vapeur hors d’usage et qui rouillent paisiblement dans le désert. Nous repassons ensuite par Uyuni pour prendre notre cuisinière, Juana, habillée traditionnellement, et qui paraît passablement âgée, mais la rudesse du climat local met l’organisme à rude épreuve, et elle devait en fait n’avoir qu’une cinquantaine d’année. Départ ensuite pour le salar d’Uyuni. Aux abords du désert de sel, petite halte au hameau de colchani et son incontournable marché pour touristes. Il y a aussi des toilettes, et comme partout, il faut payer quelques bolivianos pour les utiliser. On nous montre ensuite comment ils traitent le sel que les habitants vont chercher sur le salar tout proche. La première étape consiste à sécher le sel, et on nous montre le four utilisé pour cela. Visiblement, un bonne partie du combustible du four (il n’y a pas d’arbres alentours) est composé du papier provenant des toilettes pour touristes, et il est donc assez rigolo de voir que l’on nous fait payer pour aller au WC, pour ensuite nous vendre du sel séché grâce au papier de toilette. Malin!

Cimetière de trains, Uyuni.

Nous pénétrons ensuite sur le désert de sel proprement dit. En hiver, il est totalement sec et prend l’allure d’une immense étendue toute plate et complètement blanche. Nous nous arrêtons d’abord vers l’endroit où le sel est collecté et déjà groupé en petits monticules, pour nous rendre ensuite jusqu’à un ancien hôtel de sel, au centre du salar. Juana installe la table à l’intérieur, et nous mangeons pendant que d’autres touristes déambulent autour de nous pour visiter l’ancien hôtel. En somme, on fait un peu figurants d’un temps révolu où l’hôtel était utilisé. Il y a une sorte de musée à côté, et il est indiqué qu’il faut acheter quelque chose à la petit boutique pour pouvoir visiter le musée. On achète 2 toblerones (on découvre trop tard qu’ils sont vendus à prix d’or), et nous entrons dans le “musée” qui se limite à deux statue grossièrement taillées dans des blocs de sel. Au moins, on a deux bon toblerones!

Salar d’Uyuni. Le sel est collecté à l’entrée du salar.

On repart et s’arrête dans une partie particulièrement plate du désert de sel. Le sol de sel est découpé en tuiles hexagonales assez régulière, dont la géométrie nous intrigue, le cristal de sel lui-même ayant une structure cubique (cubique face centrée si je me souviens bien…). Mais on dirait qu’un carreleur a pavé l’entièreté du désert de carrelage blanc. Prenant un marteau et tournevis, Evans se met à s’attaquer au sel, et nous découvrons, qu’il y a en fait de grandes poches d’eau saturées sous nous pieds, sur lesquelles l’épaisse couche de sel croît. Enfin, ça a l’air assez solide pour supporter la jeep. Une chose qui nous intrigue, c’est que c’est notre cuisinière Juana qui indique à Evans où creuser. Plus tard, lorsque l’on discute de l’heure à laquelle il faudra se lever le lendemain pour aller au volcan Tunupa, c’est vers elle qu’il se tourne, et cette dernière répond sans hésiter. Cela nous paraît vraiment bizarre étant donné l’état d’esprit un peu machiste des sud-américains, ce d’autant plus que la cuisinière est quelques échelons plus bas que le chauffeur dans la hiérarchie de ce genre de tours, puisqu’elle ne reçoit que 40% du pourboire. Bizarre bizarre.

Alentours de Coqueza

Nous arrivons ensuite à Coqueza, où nous passerons la nuit. Evans nous amène dans un autre “musée” où il n’y a pas grand chose à voir, si ce n’est une collection de pierres à forme d’animaux. On demande à Evans de nous laisser rentrer au refuge à pied, vu que l’endroit est très joli, et il s’inquiète que l’on se perde, mais nous laisse finalement aller, non sans nous avoir quand même ramenés un petit bout. Lorsque nous arrivons, Juana avait préparé du thé chaud, puis suivit un fort bon repas.

Le tube de dentifrice

La Paz – Uyuni

Aujourd’hui nous nous rendons en avion à Uyuni. Etant donné la circulation infernale dans la Paz, et la file d’attente diabolique que nous avions dû faire à l’aéroport de Lima, nous prenons le taxi bien assez tôt. Cependant, vu la circulation à nouveau paralysée, notre chauffeur prend des petites rues qui ne doivent probablement ne figurer sur aucune carte et à la pente assez prononcée. Nous n’avons pas le temps de dire ouf que nous voici déjà à l’aéroport. Et là, nous sommes obligés de laisser échapper un fou-rire: vu que la Paz est la capitale de la Bolivie, nous nous attendions à un aéroport d’envergure, mais il se trouve que c’est tout petit, et qu’il n’y a presque personne. L’enregistrement des bagages prend 2 minutes, et nous avons encore au moins 2 heures à attendre. Dans le salon devant la porte d’embarquement, il y a entre 60 et 100 personnes, mais quand notre vol est appelé, seulement 20 personnes se lèvent. Nous sortons sur le tarmac où sont alignés quelques avions de la compagnie amaszonas avec laquelle nous voyageons, dont un tout petit machin qui ressemble à un tube de dentifrice. Evidement, c’est le nôtre, et c’est très rigolo. Une fois entré, impossible de se tenir debout, il faut avancer courbé jusqu’à son siège et prendre son sac sur les genoux, car point de compartiment à bagage en dessus de nos têtes. Un siège à gauche, un siège à droite sur 10 rangées et c’est tout. Autant dire qu’il n’y a pas d’hôtesses, de service à bord ou même de toilettes. Le vol secoue un peu, ce qui ajoute au charme de l’appareil, et après environ 45 minutes, nous arrivons à Uyuni. Lorsque l’on récupère nos bagage, il faut montrer notre billet à un employé qui contrôle que l’on a bien pris le bon sac. Marina, responsable de l’agence de l’agence Jhoeva tour, nous attend dans le hall et nous amène à la Jeep où nous rencontrons Evans qui sera notre chauffeur pour les 5 jours dans le salar d’Uyuni et désert du Lipez. Les deux personnes font très bonne impression au premier abord. Ils nous amènent ensuite à notre hôtel. Nous profitons ensuite du reste de la journée pour aller faire des provisions d’eau et de chocolat en vue de notre expédition, ainsi que pour acheter notre billet de bus pour Potosi, qui sera notre prochaine étape une fois la virée dans le désert terminée. Stratégie de Matteo: choisir la compagnie de bus en fonction de leur véhicule, et une fois que nous avons trouvé un bus en bon état, nous allons acheter le billet à la compagnie correspondante. Le soir, quand nous sortons pour aller manger, il fait un froid glacial, et le vent s’engouffre dans leas avenues larges et désertes.

La Bolivie, comme plusieurs autres pays que j’ai visités, a une plomberie qui laisse un peu à désirer, et il convient donc de ne pas jeter le papier de toilette dans la cuvette, mais dans la poubelle à côté, ce qui n’est pas toujours appétissant. Dans les hôtels des endroits plus touristiques, il y a souvent un petit mot à l’attention des utilisateurs occidentaux, de façon à ce qu’ils perdent le réflex de tout balancer dans la cuvette. Dans l’hôtel de ce soir, le panneau est trilingue, mais la traduction française laisse un peu à désirer.

Le gâteau n’était pas léger(*)!

La Paz – Chacaltaya – La Paz

Aujourd’hui nous allons à Chacaltaya, un sommet à 5380m, mais rien de physiquement bien impressionnant, puisqu’il n’y a que 150 mètres de dénivelé à faire à pied. Nous voulions y aller avec la même agence que le jour d’avant, mais ils ne voulaient pas faire l’excursion aujourd’hui, pour cause de manque de clients et de fête nationale bolivienne. Ils nous proposent de nous faire faire le même tour (Chacaltaya + vallée de la lune) en taxi, pour un prix tout à fait acceptable, et nous voici donc partis pour une petite virée en altitude avec notre chauffeur Alex et son taxi automatique. Dommage que la fête nationale bolivienne ne s’étende pas sur 365 jours par ans, par ce qu’aujourd’hui, il n’y a absolument aucun trafic.

Panorama depuis Chacaltaya

Sitôt sortis de la Paz, nous nous engageons sur une route non goudronnée et en assez mauvais état qu’il serait mieux de pratiquer en 4×4 qu’en taxi avec boîte automatique. Une fois un peu sur les hauteurs, nous pouvons contempler la Paz, dont les maisons partent à l’assaut des flancs montagneux abruptes qui la bordent, ainsi que son cancer métastaseux el Alto, sorte de tumeur incontrôlable et moche qui s’étend sur le plateau. Je décerne à El Alto le prix du coin où je voudrais le moins vivre parmi tous les endroits que j’ai visités. Par contre où nous nous trouvons, à quelque kilomètre de cette anarchie, le décor est grandiose et paisible. Nous apercevons Chacaltaya, où nous nous rendons, ainsi que Huayna Potosi, qui culmine à 6088m. Les derniers km de route sont assez accidentés, mais nous finissions par arriver au parking. Depuis là, une courte montée à pied nous permet d’atteindre le sommet de Chacaltaya, d’où nous jouissons d’une superbe vue sur les environs, dont la Paz, et même le lac Titicaca.

Les deux conquérants au sommet de Chacaltaya. En arrière plan: El Alto, le cancer de La Paz.

On redescend, traverse la Paz pour arriver à la vallée de la lune une formation géologique intéressante de terre érodée dans laquelle on peut se promener. Le soir, après le souper, nous remarquons un pub anglais en face du restaurant d’où nous sortons, mais avant d’aller boire une bière, nous voulons aller prendre un dessert, et nous redescendons donc jusqu’au restaurant du premier soir et ses tourtes appétissantes dont nous dégustons une (énorme) tranche sous le regard approbateur d’Audrey Hepburn. Lorsque nous ressortons, nous sommes sur le point d’exploser, et remonter jusqu’au bar s’avère être un tour de force.

(*) c.f. 24 juin 2012, dernier paragraphe

Tiwanaku

La Paz-Tiwanaku – La Paz

Aujourd’hui nous allons sur le site archéologique de Tiwanaku. Le bus passe nous prendre à l’hôtel, et nous allons ensuite chercher d’autres personnes dans d’autres hôtels. Et là, on se rend compte que le problème de la Paz est un peu plus sérieux qu’une simple urbanisation galopante, car les rues sont littéralement paralysées, et nous avançons centimètres par centimètres. Il nous faudra 1h10 pour sortir de la ville et parcourir les 3 km qui nous séparent d’el Alto. Ensuite, il faut encore 1h10 pour arriver à Tiwanaku, mais pour 70km de trajet. Au bord des routes, il y a de nombreuses affiches qui louent les mérites du président, et sur chacune d’elle une photo de l’intéressé tout sourire: Evo offre du gaz de chauffage à la Bolivie, Evo veut construire un télécabine entre la Paz et el Alto, Evo offre de convertir gratuitement les voitures pour fonctionner au gaz, etc.

Tiwanaku fût la capitale d’un gigantesque empire pré-inca, le site regroupe plusieurs curiosités archéologiques, dont la porte du soleil qui a inspiré Hergé pour son album “Tintin et le temple du soleil”. Notre billet nous donne accès aux différentes sections du site, à savoir 2 musées, ainsi que les ruines en plein air. Nous découvrons une nouvelle spécialité bureaucratique ridicule: notre billet a un numéro (jusque là rien de bien étonnant). Lorsque nous entrons dans chaque section du site, il faut présenter le précieux sésame dans lequel l’employé diligent perce un joli trou. Mais ce n’est pas tout: l’employé diligent possède aussi un grand livre dans lequel tous les numéros de billets ont été pré-inscrits à la main, au stylo bleu. Une fois le trou percé dans le billet, l’employé lit le numéro qui y est imprimé, cherche dans son livre le numéro correspondant, et met un vu à côté (si si, je ne vous mens pas). Nous sommes un groupe d’une quinzaine de personnes, alors je ne vous dis pas le temps que ça prend! Et encore, on a des numéros qui se suivent. Si j’étais le type à la caisse, je mélangerais les billets au début de la journée afin de les vendre dans un ordre aléatoire, histoire de compliquer le travail des employés diligents (qui ont bien sûr un fort joli uniforme, cela va de soi!).

De retour à la Paz, nous faisons le tour des agences de voyage pour organiser un tour du Salar d’Uyuni et désert du sud Lipez. Il y a deux difficultés de taille pour faire son choix. D’une part trouver une agence fiable. En effet, il semble que l’augmentation de la popularité de cette région a vu la création d’agences qui sont tout sauf sérieuses. Les problèmes rencontrés vont d’un entassement de 10 personnes dans une jeep pour 6, à l’absence de roue de secours, en passant par le chauffeur bourré. La seconde difficulté, c’est que nous aimerions rester 5 jours, afin d’avoir le temps de faire un peu de randonnée, mais la plupart des agences ont des circuits de 3 jours immuables, à croire qu’ils sont coulés dans le béton. On finit donc par prendre un tour sur mesure, ce qui nous permet de rester 5 jours, et d’aller où on veut. On verra bien sur place ce que cela donne, et si notre chauffeur boira l’essence du réservoir…

Miel en ours

Puno – La Paz

Nous sommes bien soulagés, au moment de monter dans le bus qui nous conduit à la Paz de constater que notre chauffeur n’est pas le type qui nous a vendu les billets, ce qui augmente grandement la probabilité d’arriver vivants. Après quelques heures de bus, nous arrivons à la frontière avec la Bolivie, qui n’a rien de commun avec les frontières désertes entre la Suisse et ses voisins européens. En plus de l’impressionnante colonne de voiture (que l’on court-circuite, n’allez pas me demander par quel passe-droit), nombre des personnes traversent la frontière à pied, sans compter les marchands vendant de la nourriture et des boissons, faisant du change, etc. Il nous faut descendre du bus, passer dans deux bureaux du côté péruviens avec nos passeport, afin d’y faire apposer les tampons ad hoc (de manière similaire à l’Europe de l’Est, les sud-américains sont friands d’uniformes, de tampons, de poinçonnage et de toute sortes de formulaires inutiles. Par exemple dans les hôtels, il faut toujours mettre sa profession, que je change chaque fois: hier à Puno, j’étais boulanger. C’est tout juste s’il ne faut pas indiquer sa taille ou son groupe sanguin). En Bolivie, il n’y a qu’un seul bureau à visiter dans lequel ce cirque se répète. Ensuite on remonte dans le bus jusqu’à Copacabana où l’on fait une courte pause à midi. On commande un burger avec une bière (Huari), et je regarde circonspect la bouteille d’un demi-litre que l’on nous amène. Je décide de n’en boire que la moitié. En effet, et rien à voir avec la bière elle même qui était très bonne, mais mon passage aux WC du bus durant le trajet ne m’a pas laissé un très bon souvenir: il n’y avait pas de lumière. En plus on doit changer de bus, et celui que l’on ne nous a montré ne me semble pas même avoir de WC, lumière ou pas. “Tu rigoles” me dit Matteo qui ne se permettrait jamais de partir avant d’avoir fini sa bière, “il y aura forcément des toilettes!”

Lorsque nous montons dans le bus, force est de constater qu’il n’y a pas la moindre trace de toilettes. Bon courage Matteo, la Paz, c’est encore assez loin. Nous nous installons et attendons le départ. Un groupe de jeunes étudiants américains sont dans le bus juste devant nous, et il ne tardent pas à sortir leur pique-nique de midi: pain toast, beurre de cacahuètes et miel en ours (i.e. Miel liquide dans une bouteille en forme d’ours): clichés quand vous nous tenez…

Après un moment, nous arrivons au détroit de Tiquina, sur le lac Titicaca qu’il s’agit de traverser en bac. Ceci donne l’occasion à Matteo d’aller aux toilettes, mais elles se trouvent de l’autre côté, et il va être contraint d’attendre encore un moment en contemplant de l’eau. Ce sera nos premiers WC publics en Bolivie, et il ne me laissent pas un souvenir impérissable! Le bus voyage sur quelques planches attachées ensemble sur lesquelles sont fixées un moteur, alors que nous, les passagers, nous prenons un petit bateau. On continue ensuite notre route en direction de la Paz.  L’américaine devant nous est malade, et je soupçonne le beurre de cacahuètes d’en être responsable, mais Matteo prétend qu’elle n’en a pas mangé. Peu avant la Paz nous nous arrêtons à une station service pour ceux voulant encore passer au petit coin, et l’américaine malade refuse de sortir. Résultat, lorsque l’on repart, elle se met à vomir. Matteo fait un commentaire sur la couleur du vomi (il est rouge-brun dit-il). Quant à moi, l’odeur me suffit, et j’évite de regarder le contenu du sachet. Nous traversons el Alto, la “banlieue” de la Paz à l’urbanisme incontrôlable (j’aurai l’occasion d’y revenir) qui se développe sur le plateau. Au bord de celui-ci, un impressionnante dépression dans laquelle se croit la Paz. A l’endroit où la route arrive en bordure du plateau et s’apprête à plonger sur la Paz, se trouve une statue de Che Guevara de 7 mètres de hauteur. Étant donné que nous sommes en Amérique du Sud, il semble logique de penser que cette statue est à l’honneur du Che et de ce qu’il représente (il est d’ailleurs entrain d’écraser un aigle: quelle subtile allégorie). Toutefois, si on avait voulu représenter le personnage comme un cinglé sanguinaire, on ne lui aurait pas mis un autre visage que celui de cette statue. A se demander si “l’artiste” n’était pas à la botte de la CIA. Nous descendons de 500 mètres avant d’arriver au centre de la ville où se trouve notre hôtel. Le soir, nous mangeons dans un restaurant à côté d’un cinéma. A noter: 1) les nombreuses photos des gloires de l’âge d’or du cinéma: Humphrey Bogart, Marlene Dietrich, Audrey Hepburn, Lauren Bacall et 2) les tourtes qui ont l’air délicieuses: nous laissons donc la place pour un dessert.

Le lead travler a encore frappé

Lac Titicaca

Visite des îles Uros et Taquile sur le lac Titicaca. Etant donné que nous avions prévu que l’on arriverait un peu tard le soir précédent pour organiser cette excursion, nous avions réservé via la Suisse avec Viator, comme pour la vallée sacrée. Matteo se retrouve donc propulsé une nouvelle fois au rang de “lead travler”. Encore une excursion avec eux, et il recevra la médaille de l’alpaga voyageur. Nous commençons par quelque minutes d’attente devant un hôtel par ce qu’un couple est en retard. Il semblerait que la réception a oublié de les réveiller. Mais à l’heure des smart phones, qui fait encore appel à ce service dont la fiabilité laisse souvent à désirer? Mais ce fût le seul petit point noir de la journée (ah non, il y en aura un autre, mais de ma faute).

Iles flottantes d’Uros sur le lac Titicaca

Nous montons dans un bateau et nous dirigeons vers les îles Uros, des îles artificielles faites de joncs sur lesquelles vivent le peuple du même nom, qui a choisi ce mode de vie autrefois afin de se protéger des incas agressifs. Aujourd’hui, de plus en plus de familles décident d’abandonner les îles pour aller vivre à Puno, et c’est seulement gâce/à cause des touristes que les autres restent. Toute la vie des Uros est basée sur le jonc qu’ils cultivent: ils en font leur îles flottantes, mais aussi leurs maisons, leur bateaux, et même une partie de leur nourriture (et qui selont eux est aussi bonne pour les dents, raison pour laquelle ils ne les lavent jamais…). Nous poursuivons notre traversée jusqu’à l’île de Taquile, pendant laquelle notre guide nous donne un grand nombre d’explication sur la vie autour du lac et ce qu’il représente pour la population locale. Elle le fait en espagnol et en anglais, mais il y a aussi un couple d’allemand ne parlant pas anglais. Ces derniers ont une guide personnelle qui ne ressemble à rien. Déjà “elle est maquillée, je vous dis pas, c’est une horreur”, et en plus, ses connaissances en allemand sont au mieux basiques. Alors que notre guide parle pendant plusieurs minutes, avant de laisser le soin à la guide allemande de prendre le relais, celle-ci se contente d’une phrase genre “Wir sind auf einem See”. Super!

Je pousse peut-être un gueule d’enterrement, mais à la différence de Matteo, je ne fais pas seulement semblant de manger le roseau…

On apprendra que sur l’île de Taquile les habitants vivent passablement isolés du reste du Pérou, et que les us et coutumes sont par conséquent assez différents. Par exemple, à l’inverse du reste du Pays, ce sont les hommes qui portent un couvre-chef, une sorte de bonnet au motif complexe qu’ils doivent confectionner eux même. Les hommes mariés portent un motif différent des célibataires, qui, selon la manière de porter le bonnet, se distinguent encore en deux sous-groupes: les financés et les libres comme l’air. Il n’y a pas de lois (ni d’avocats!), mais 3-4 règles de base qui règlent la vie de l’île. L’une de ces règles est “ne soit pas paresseux”, ce qui nous fait dire que le type nous ayant vendu le billet de bus à Cusco il y a 2 jours ne doit sûrement pas être un descendant de Taquile. Après une petite balade sur l’île et une truite du lac pour le repas, nous rentrons à Puno. Mon gps glisse hors de ma poche sur le bateau, et il a fallu faire quelques téléphones pour le récupérer. Après un mauvais souper (c’est rare que l’on soit mal tombé en choisissant les restaurants durant ces vacances), nous retournons au bar à cocktails moléculaire pour une nouvelle dose d’azote liquide.

La bière a 200 mètres de retard

Cusco – Puno

Nous quittons Cusco et sa région aujourd’hui pour nous rendre à Puno, au bord du lac Titicaca. Nous avons décidé d’y aller en train pour profiter au maximum des paysages, malgré le prix bien plus élevé que le bus. Dans la gare nous jetons un coup d’oeil aux autre voyageurs, et il semble y avoir grosso-modo 3 catégories. D’une part des voyageurs tels que Matteo et moi, qui ont décidé de voyager en train soit par ce qu’ils aiment ce mode de transport (en tant que suisses, c’est notre cas), ou pour changer du bus, ou encore pour pouvoir faire de jolies photos. Dans une autre catégorie, on trouve des gens qui ont visiblement un budget très généreux voire illimité pour leur vacances, et qui ne considéreraient même pas le bus comme une option. Inutile de dire que leurs bagages ne sont pas des sacs à dos, et c’est volontairement que j’ai mis un s à bagageS. Durant les 10 heures de trajet cette catégorie de personne passera aussi peu de temps que possible à regarder le paysage, mais pianotera sur son ipad ou se montrera très désagréable envers le personnel du train. Et enfin la dernière catégorie est formée par les voyages en groupe dont le trajet en train fait partie du package, et qui suivent sans trop se poser de question. D’ailleurs arrive un groupe de français bruyant (pléonasme) entrant dans cette catégorie. Leur guide (qu’ils appellent “Jojo”) a l’air très sympathique mais semble dépité par le groupe dont il a écopé. Nous reconnaissons certains membres du groupe pour les avoir déjà croisés dans un restaurant de Cusco où ils se faisaient déjà (naturellement!) remarquer, dont un type en particulier, et nous nous demandons comment avec une grosse tête comme ça, il arrivera à passer par la portière étroite du train. Plus sérieusement nous nous inquiétons du fait que l’on pourrait tomber dans le même wagon, mais en jetant un coup d’oeil très indiscret au billet de l’un de leurs membres, je constate que nous sommes sauvés. Leur guide par contre à réussi à s’arranger pour avoir une place dans notre Wagon, bien séparé de ses clients insupportables.

Il est 8h00 et l’Andean Explorer s’ébranle pour 387 km de trajet à la vitesse moyenne de 38 km/h. De 3550 mètres à Cusco, nous commençons par descendre le long d’une rivière (Huatanay) jusqu’à une altitude de 3100m. S’en suit alors une montée vers l’Atiplano péruvien à travers un paysage magnifique. Nous décidons qu’il serait de circonstance de boire un bière lorsque l’on arriverait à 4000m, altitude qui ni Matteo ni moi n’avions franchie jusqu’ici. Bien qu’on la commande vers 3500m, elle ne nous est servie qu’à 4200m, la faute au service pas très rapide. Caramba! Nous arrivons ensuite au col de Raya, le point culminant du parcours à 4330m. Le train y fait un court arrêt dans un cadre assez particulier où s’y mêlent un arrière plan de montagnes enneigées, notre magnifique train bleu et or ainsi qu’une chapelle blanche au toit rouge. Nous poursuivons notre voyage et le repas de midi est servi. Ce n’est pas très rapide mais en même temps, on n’est pas pressés. On déplorera juste qu’il ait fallu 20 minutes entre l’arrivée du dessert sur la table et celle de la cuillère pour le manger, et nous fûmes donc contraints de regarder un dessert bien appétissant sans pouvoir y toucher, sorte de torture psychologique.

Andean Explorer. Arrêt au point le plus haut du trajet: 4400m

 

Andean Explorer. Arrêt au point le plus haut du trajet: 4400m

Nous sommes maintenant sur l’altiplano, et les paysages sont toujours grandioses. Un peu avant Puno, nous traversons la ville de Juliaca qui est affreuse, mais la curiosité réside en son marché qui a lieu sur l’avenue principale qui se trouve aussi être la voie du train, et nous voici donc entre les étals de pièces automobiles, ferrailles, chambres à air, boulons rouillés, strings sur des annaux circulaire (drôle de manière de présenter des culottes… Je me demande s’il faut demander: J’aimerais un diamètre de 40 cm SVP), etc. Les derniers km avant Puno longent le lac Titicaca, mais il fait malheureusement déjà nuit, et l’on ne voit pas grand chose.

Andean Explorer à travers l’altiplano péruvien

Dans la salle des bagages, on n’entend que le groupe français, même s’ils ne représentent pas le 10% de la totalité des passagers, et c’est dans des moments comme ceux-là que l’on souhaiterait ne pas comprendre le français. L’hôtel est tout près de la gare, et nous nous y rendons à pied. Notre chambre a une grande fenêtre, mais lorsque nous ouvrons le rideau, nous constatons qu’elle donne sur un mur, environ 20 cm en face. Mais mis à part cette particularité architecturale, l’hôtel offre un très bon rapport qualité prix et la douche est bonne chaude. On fait un tour de la ville et on trouve un bar sympathique qui fait des cocktails moléculaires. Hourra pour la caipiriña à l’azote liquide. Hourra pour le mojito en sphères gélifiées.

Autour de Cusco

Cusco

Visite des sites archéologiques autour de Cusco. On y va à pied, et ça commence par bien monter pour arriver à Sacsayhuaman (ou sexy woman comme l’appellent les guides locaux pour amuser les touristes, très fiers de cette plaisanterie qui ne doit probablement pas être toute récente). De manière assez standard au Pérou, nous arrivons à une caisse où l’on achète notre ticket d’entrée (le type essaye d’ailleurs de nous arnaquer en voulant nous vendre un billet pour l’ensemble des sites de la région, y compris Ollantaytambo, Moray, etc. Heureusement que, à son plus grand désespoir, nous savions exactement quel billet nous voulions et combien il coûtait), et ce n’est que quelques centaines de mètres plus loin que l’on rencontre un deuxième point de contrôle où il s’agit de montrer le billet précédemment acheté. Pourquoi le contrôle ne se fait pas au même moment que l’achat, mystère. Il faut croire que la main d’oeuvre est bon marché…

Pierres parfaitements ajustées à Sacsaywamán

Nous commençons par nous rendre au pied du Christ géant qui domine Cusco, et force est de constater qu’il est bien plus beau vu de loin (d’en bas en ville) que de près. Ce sont surtout ses yeux qui sont dérangeants avec un gros trou au milieu comme s’ils avaient été picorés par des oiseaux. Mais ce qu’ili faut surtout admirer depuis là haut, c’est la ville de Cusco, le nombril du monde, qui s’étend sous nos pieds. Le site de Sacsayhuaman est assez impressionnant de par ses murs formés de blocs énormes ajustés au millimètre et qui forcent l’admiration. Nous nous rendons ensuite au site de Kenko, puis à la forteresse de Puka Pukara en passant par un joli sentier à travers les champs. Nous finissions ensuite à Tombomachay, qui est un peu décevant après ceux déjà parcourus.

Paysages aux abords de Cusco

Le truc bizarre étant surtout que la taille du parking et la grandeur de la guérite de contrôle contrastent bizarrement avec l’étendue réduite de ce dernier site. Nous retournons ensuite à Cusco en bus en début d’après-midi, puis allons acheter nos billets de bus Puno-La Paz, vu que l’on aura pas trop le temps de le faire à Puno. Nous nous rendons au terminal de bus à pied, qui se révèle être beaucoup plus loin que prévu. Lorsque l’on y arrive finalement, on s’adresse au bureau de Tour Peru qui semble être une bonne compagnie. Nous avons à faire à une sorte de gamin assis derrière un ordinateur, la tête couchée sur le comptoirs comme s’il dormait. Lorsque Matteo lui demande de réserver les billets il ne bouge pas sa tête et entreprend donc de se servir de l’ordinateur la tête toujours couché sur la table. Malgré une interface super simple, il n’arrive pas à émettre les billets, et la fille qui se trouve dans le même bureau n’a pas l’air d’en savoir plus, et il nous faut donc attendre qu’une personne qui sache utiliser l’ordinateur arrive. On espère juste que ce ne sera pas notre chauffeur se dit-on entre deux fous-rires.

Salines et terrasses

Ollantaytambo – Cusco

Programme du jour: retour sur Cusco. Nous souhaitons nous arrêter à quelques endroits sur le chemin, et trouvons un taxi qui veut bien nous amener là où on veut. On commence par les salines de Maras: Il semblerait qu’un inca de passage dans les environs a voulu boire de l’eau à une source qui jaillissait dans le coin et… pouah! elle était salée. Depuis, le sel est exploité grâce à un système d’irrigation perfectionné qui rempli environ 2000 piscines d’eau saumâtre qui peut ensuite s’évaporer. La superposition des ces milliers de gouilles accrochées au flanc de la montagne vaut le détour.

Les salines de Maras

Notre chauffeur (il s’appelle Julio) nous laisse le long de la rivière Urubamba, ce qui nous permet de monter à pied jusqu’aux salines, de les traverser, et il revient nous attendre de l’autre côté. Après un petit arrêt un peu plus haut pour contempler la vue d’ensemble des salines, nous nous rendons aux terrasses de Moray, le laboratoire agronomique des incas.

Fleurs aux terrasses de Moray

Le trajet se poursuit en passant par Maras, puis Chinchero, où selon notre chauffeur, on trouve de l’artisanat fait localement, par opposition au marché de Pisac dominé par les produits boliviens. Tu parles Charles! On s’est fait avoir, comme on le découvrira plus tard en trouvant les même pulls en Bolivie!

Chinchero

Nous retournons ensuite au même hôtel, et bénéficions cette fois d’une chambre tout en haut que nous espérons (à tort, mais je ne vais pas m’étendre sur le sujet) être plus silencieuse que lors de notre premier passage. L’hôtel est orné de peintures à thème religieux d’un goût un peu douteux. Au dessus de mon lit trône, celui que j’ai nommé saint Genou, à cause de la forme assez excentrique de sa rotule. Le vêtement qu’il porte met curieusement cette bizarrerie en évidence. Nous avons aussi le grand “plaisir” de devoir arpenter à nouveau le boyau “Recoleta” pour se rendre au centre ville.