la journée des îlets

Aurère – Cayenne

L’étape de jour est nettement plus courte et avec moins de dénivelé que les précédentes, et on ne va pas s’en plaindre : nous pourrons un peu récupérer. Notre itinéraire va nous faire traverser plusieurs îlets du cirque de Mafate, qui sont de petits hameaux sans voies de communications et qui vivent en quasi autarcie : Îlet à malheur, la Plaque, îlet à Bourse, Grand-Place et Cayenne.

Il fait assez froid le matin, et la gardienne du gîte arbore un chapeau de paille confectionné par sa mère, pour – nous dit-elle – garder sa tête au chaud. Mais vu sa chevelure généreuse, je doute que le chapeau puisse l’isoler d’avantage. D’ailleurs quand je dis qu’il fait froid, tout est relatif : nous partons tout de même en t-shirt et short, mais à voir les habitants d’Aurère emmitouflés dans leurs vestes polaires, on s’attendrait presque à voir la neige tomber. La gardienne du gîte nous prévient que nous allons probablement croiser le facteur qui parcourt le cirque à pied selon un trajet hebdomadaire. On espère pour lui qu’aucun habitant ne se soit commandé une TV par correspondance…

Chapelle de l’îlet à Malheur
Massif de Bambou dans le cirque de Mafate

Depuis Aurère, le sentier commence par descendre vers une rivière. Le sol est couvert de plants sauvages de chouchous qui poussent comme de la mauvaise herbe. Nous sommes à chouchou-land, et on s’attend donc à voir Thierry surgir du feuillage. Les îlets sont généralement situés en hauteur sur des plateaux séparés entre eux par des ravines, ce qui fait qu’il y a tout de même un dénivelé appréciable, car il faut régulièrement descendre jusqu’à une rivière pour remonter de l’autre côté.

Le chemin nous mène jusqu’au gîte de Cayenne que j’ai choisi pour son superbe emplacement. Nous étions en effet aussi restés à Cayenne en 2009, et l’endroit est tout simplement impressionnant : sorte de plateau au centre d’une plus grande dépression, qui donne à la fois la sensation d’être en hauteur (on surplombe la rivière des galets) et également d’être dominé par des pics acérés et des falaises.

Petite ravine ombragée

Vu la courte durée de l’étape, nous arrivons très tôt au gîte, qui n’ouvre qu’à 15 heures, mais cela nous laisse le temps de se poser sur la terrasse et d’admirer la vue. A 15 heures une personne arrive pour nous donner les chambres. L’accueil est assez froid pour ne pas dire glacial, et c’est à peine si la gardienne décroche 2 mots : « les douches sont là-bas » (ah ben en fait, c’est 4 mots). Je demande si on peut acheter des boissons (par cette chaleur, une bière serait la bienvenue), mais elle me dit qu’elle ne vend rien (pourtant il y a 3 ans, on avait bu une bière sur cette même terrasse. Si si, lisez plus bas!). La bizarrerie de l’accueil se poursuit lors du repas puisqu’à l’heure indiquée, la porte de la salle-à-manger s’ouvre, et du temps que nous et les autres personnes présentes entrions, la dame avait déjà disparu et les plats étaient sur la table, comme si les gardiens voulaient éviter tout contact avec leurs hôtes. Cela me semble très bizarre, car l’association des gîtes de montagne de la réunion devraient employer des personnes aimant le contact avec les clients pour gardienner leurs gîtes ! Ceci dit le repas (dont un excellent porc boucané) était délicieux

A défaut de discuter avec les gardiens, nous conversons avec les autres clients. Il y a un couple d’Allemands qui est très surpris de découvrir que je parle un peu d’allemand car ils ne semblent pas rencontrer beaucoup de personnes parlant leur langue ici. Il y a aussi deux opticiens, dont l’un a des lunettes au design assez particulier et avant-gardiste.

Profil -Étape n° 4

  • Départ: Aurère (934 m)
  • Arrivée: Cayenne (575 m)
  • Distance: 9.3 km
  • Cumul: 58.4 km
  • Durée (sans pauses): 3h58
  • Dénivelé: +602 / -975m
  • Cumul: +4076m / -3579m

 

la journée des gués

Dos d’Âne – Aurère

Après un bon petit-déjeuner, nous voici en route pour la descente vertigineuse vers la rivière des galets. D’abord, il faut suivre la route principale sur plusieurs kilomètres, passage que j’avais déjà trouvé peu agréable il y a 3 ans. Heureusement, grâce au gps sur lequel j’ai bien sagement chargé le parcours de 2009, nous ne loupons pas la petite rue qui conduit à l’église, ce qui nous évite de descendre trop bas pour remonter. Tant mieux.

Vertigineuse donc est la descente, avec parfois des passages assez rocheux assurés par des câbles, et même une échelle à un endroit. Claire entre dans un mode « évitement d’obstacle » qui nous fait prendre une allure très réduite, pour la plus grande inquiétude de Jean-Jacques. Mais bientôt, nous arrivons au bras Sainte-Suzanne et au premier gué, l’occasion de faire une petite pause pendant que nos pieds sèchent.

Traversée à Gué de la rivière des galets (il y en aura 5 ce jour là: le bras Ste-Suzanne et 4 fois la rivière des galets)

Ensuite vient un passage plus reposant, puisque nous suivons le lit de la rivière des galets qui monte en pente douce. A plusieurs reprises, il faut traverser la rivière à gué. Après la dernière traversée, nous faisons une pause pour manger, avant la montée (900m) vers Aurère. Aucune difficulté à signaler, et nous voici bientôt en haut de la crête, et il ne nous reste plus qu’un faux-plat en faible descente pour arriver au gîte. Aurère est le premier îlet que l’on traverse, et l’arrivée dans le village est magnifique, grâce à de nombreuses fleurs plantées en bordure du sentier, qui rappelons-le est la route principale de ce village coupé du monde.

Le gîte (le Poinsettia) n’a qu’un grand dortoir de 12 lits, mais nous sommes heureusement les seuls, car les autres occupants sont dans des chambres doubles. Le soir, repas créole typique. La gardienne du gîte passe un bon moment avec nous et les 4 autres personnes, que nous devrions recroiser 3 jours plus tard, car il semble que l’on soit dans le même gîte à Marla.

Profil -Étape n° 3

  • Départ: Aurère (934 m)
  • Arrivée: Cayenne (575 m)
  • Distance: 9.3 km
  • Cumul: 58.4 km
  • Durée (sans pauses): 3h58
  • Dénivelé: +602 / -975m
  • Cumul: +4076m / -3579m

la journée des arbres en pont

Plaine des Chicots – Roche Écrite – Dos d’âne

Nous prenons le petit-déjeuner vers 6h30, afin de commencer la journée assez tôt pour monter à la Roche Ecrite. Le gîte est pris dans les nuages, mais tout change tellement vite qu’il ne faut pas désespérer. En effet, à peu près au milieu de la montée, les brumes se dissipent et le soleil fait son apparition.

Point de vue de la roche écrite (2276m)

L’arrivée au point de vue est assez impressionnante. En effet, nous montons depuis Saint-Denis sur une pente assez régulière, ce qui fait que l’on ne voit qu’une pente qui monte lorsque l’on regarde devant nous, bien que l’on sache que les cirques de Mafate et Salazie se trouvent quelque part devant. Et tout à coup, en quelques mètres, on arrive au sommet et la vue se découvre sous nos pieds avec plus de mille mètre de vide et un panorama à couper le souffle. Le cirque de Salazie restera malheureusement sous les nuages, mais celui de Mafate s’offre à notre regard, et l’on voit certains des îlets que nous traverserons au cours des prochains jours. Plus au fond, l’omniprésent massif du piton des neiges, ainsi que le col du Taïbit, et tout à l’arrière plan sur notre gauche, le volcan que nous atteindrons vers la fin de notre périple.

Arrivée au gîte de la pleine des chicots lors de notre descente depuis la roche écrite

Après avoir contemplé le panorama à satiété, il est temps de redescendre au gîte pour récupérer nos affaires. Le gardien du gîte est plus causant aujourd’hui et nous demande si les cirques étaient découverts et où nous allons. En fait, je pense que son apparente antipathie soit plutôt une sorte de réserve et de timidité.

Départ ensuite vers Dos d’Âne sur un sentier loin d’être facile. Mais au moins, le chemin est magnifique et passe dans des forêts touffues, avec un grand nombre d’arbres courbés qui forment des ponts en travers du chemin sous lesquels il faut passer. Par contre, bien que le parcours soit globalement en descente, il suit la crête qui borde le cirque de Mafate, et est parsemé de nombreuses montées et descentes assez abruptes. Lors des montées, il faut parfois progresser à 4 pattes pour monter des marches de taille inhumaines, et dans les descentes, il faut faire attention de ne pas glisser.

Une bibe

Après plusieurs heures de ces montagnes russes dans une forêt qui nous fait perdre nos repères, le panorama s’ouvre devant nous. Nous longeons une crête avec du vide des deux côtés : à gauche, le cirque de Mafate et son relief incroyable ; à droite le village de dos d’âne. Le chemin descend assez abruptement, et nous réserve encore une surprise, puisqu’il faut encore re-monter sur le cap noir, pour finalement descendre sur le village. Ce fût une assez longue étape, magnifique pour les yeux, mais un peu dure pour les jambes, et nous sommes bien contents d’arriver à l’auberge du “Cap Noir”, chez Raymonde Pignolet. C’est un peu la bastringue lorsque nous arrivons, car de nombreuses personnes font la fête en l’honneur d’une confirmation. Nous nous douchons donc avec la compagnie créole (oui oui, « Ca fait rire les oiseaux et chanter les écureuils… ») et de Bob Marley à fond les manettes. Heureusement, ça se calme un peu, et les visiteurs partent avant que ce ne soit l’heure du souper.

La propriétaire, Mme Pignolet, ressemble sur plus d’un plan à notre ancienne voisine Georgette (qui sait, elles sont peut-être soeurs), qui parlait beaucoup sans que cela ait toujours un sens. Quoi qu’il en soit, elle nous avait préparé un excellent repas, à un détail près : elle avait fait à manger pour 10, et nous n’étions que 3 (en ça aussi elle ressemble à Georgette). Donc si nous avons fait honneur à sa première et deuxième entrée, nous n’avons pas fini le plat principal, car nous aurions explosé. Le problème, c’est qu’elle nous encore amené un dessert, et pas des plus légers : mousse de patate douce avec du chocolat fondu dessus. Mais comme elle nous l’a dit : “C’est plus léger que le gâteau” (mais oui c’est ça…). Et vu qu’elle est restée à table pour discuter avec nous, nous avons été obligés de finir jusqu’à la dernière cuillère. C’était bon, mais nous n’avions vraiment plus faim.

Profil -Étape n° 2

  • Départ: Plaine des Chicots (1841 m)
  • Arrivée: Dos d’Âne (1090 m)
  • Distance: 17.2 km
  • Cumul: 34.8 km
  • Durée (sans pauses): 6h57
  • Dénivelé: +738m / -1487m
  • Cumul: +2596m / -1564m

 

la journée des lichens

St. Denis – Plaine des Chicots

Aujourd’hui pas mal de montée en perspective, puisque du niveau de la mer (à peu de chose près), nous montons à 1870m, hauteur de la plaine des chicots.
Jean-Jacques et Claire se sont préparés à cette grimpette. Le premier en disant invariablement, lorsque nous évoquions cette première étape avant notre départ : « On prendra le bus jusqu’au Brûlé », et la seconde en ayant acheté un tube « d’énergie liquide » à base d’hormones de taureau, de caféine et d’autres cochonneries. Vu le beau temps qui nous accueille à la sortie de l’Hôtel, il est clair que nous n’allons pas prendre le bus, et profiter de la jolie montée dans la forêt entre la providence et le Brûlé. Claire transporte son précieux tube dans une des poches extérieure de son sac, tel un parachute de secours.

Montée au Brûlé (800m)

Grâce au gps, nous trouvons bien vite le départ du GRR2 à la providence, et commençons notre montée. Curieux de voir quel est l’effet de ce fameux tube d’énergie, je propose à Claire d’en trucer un peu, mais on me fait remarquer que ce n’est que pour les cas d’urgence, et qu’il n’est pas nécessaire d’en ingérer en ce moment.

Nous voici donc parti, et nous gravissons rapidement le chemin forestier ombragé qui nous conduit au village du Brûlé à 800 mètres au dessus de la mer. Vient ensuite une partie un peu moins intéressante à travers l’agglomération étendue du Brûlé, avec quelques tronçons sur la route (sans circulation). C’est la période des goyaves, et de nombreux habitants se baladent avec de seaux pour la cueillette. Il est presque midi lorsqu’on arrive à Mamode Camp pour une pause pique-nique bien méritée au 2/3 (déjà !) de la montée.

Pause de midi à Mamode Camp (1200m)

Nous nous enfonçons ensuite dans la réserve de la roche écrite, à la végétation luxuriante et aux arbres dégoulinants de lichens et nous arrivons vers 15h00 au gîte de la pleine des chicots. Ce sont les mêmes personnes que lors de mon précédent passage, et ils n’ont visiblement pas beaucoup amélioré leur sens de l’accueil. Les fenêtres de la salle à manger sont toujours obscurcies par des rideaux de douches qu’il faut commencer par ouvrir pour voir quelque chose lorsque l’on vient prendre un thé. Qui sait, peut-être que les gardiens ont peur de la lumière (zut, si j’avais su, j’aurais pris de l’ail) ?

Le repas du soir est très bon et commence par un punch bien corsé, suivi d’une soupe puis de riz, de lentilles et de volaille, un trio créole dont on ne se séparera pas durant les 15 prochains jours. Les dortoirs sont à 8 places, mais il n’y a qu’un couple en plus de nous trois dans celui que nous occupons, donc on ne se marche pas trop sur les pieds. Jean-Jacques et Claire sont très fiers de leur exploit, car ils ont gravi sans problème les 1800 mètres du jour.

Profil – Étape n° 1

  • Départ: St. Denis (52 m)
  • Arrivée: Plaine des Chicots (1841 m)
  • Distance: 17.6 km
  • Dénivelé: +1858m / -77m
  • Durée (sans pauses): 6h16

La journée des courses

Changement stratégique de la date de départ par rapport à la traversée de 2009, afin d’éviter d’être à St-Denis et Cilaos un dimanche. C’est donc un vendredi que nous débarquons dans le chef-lieu de l’île. Toutefois, dimanche ou pas, ça reste une ville qui présente peu d’attrait, à part que cette fois, c’est moins difficile de trouver des magasins ouverts pour faire quelques provisions.

Sandwich le long du Barachois à midi, et promenade dans les rues de la ville l’après-midi en passant par le jardin de l’État. On dort à l’hôtel Juliette Dodu, du nom d’une “héroïne” (selon Wikipédia, la véracité de ses exploits est remise en doute) née à St-Denis (dans la maison qui abrite maintenant l’hôtel éponyme) et qui vécut en Suisse à la fin de sa vie. C’est un changement drastique de catégorie, par rapport à l’Hôtel Select dans lequel Matteo et moi avions passé la nuit.

Retour à Saint-Denis

On peut dire que l’on a eu de la chance niveau météo lors de notre randonnée: hormis les derniers km avant d’arriver à la plaine des cafres, il n’a jamais fallu sortir de protection contre la pluie. Aujourd’hui par contre, il fait franchement moche (comme quoi ça arrive aussi sur les îles paradisiaques); il est temps de rentrer. Petit déjeuner à l’hôtel. Le réceptionniste est tout gentil, mais n’a pas la lumière à tous les étages…

Départ pour la gare routière. Il y plusieurs possibilités pour rejoindre Saint-Denis, mais vu que l’on a le temps, on prend l’itinéraire par la côte. De l’aperçu réduit que l’on peut en avoir depuis les fenêtre du car (et le mauvais temps n’aide pas), la côte Ouest de la Réunion semble assez ennuyeuse et monotone; une enfilade de villes dont les faubourgs ressemblent aux villes de France métropolitaine. Tout y est: les méga-hyper marchés en tôle, et surtout l’anarchie de panneaux publicitaires qui défigurent le paysage (Super le marteau-perforateur 850W de Mr. Bricolage à €39.90). Au centre des villes toutefois, le décor est un peu différent, avec de nombreuses petites échoppes, des gens qui grillent des poulets etc. Bref, bien que l’on soit dimanche, les villes sont quand même animées… jusqu’à ce que l’on atteigne St-Denis après 2h30 de car: comme il y a 2 semaines, c’est mort de chez mort.

Le ciel est couvert et menaçant, alors on s’installe dans le premier bistrot ouvert et couvert que l’on trouve, les 3 brasseurs : bières ambrées et flammeküche… oooops, pas très local! On mange, on goûte aux bières, et bientôt il est l’heure de se diriger vers la gare routière pour prendre la navette de l’aéroport. Depuis la gare routière, on aperçoit les pentes verdoyantes qui mènent de la Providence au Brûlé; le début de notre périple 2 semaines auparavant. Alors qu’est-ce qu’on fait? On repart pour un tour ou on va prendre l’avion? Malheureusement, nous optons pour la voie de la sagesse et choisissons l’aéroport. Une chose est sûre cependant: la Réunion doit absolument être rangée parmi les destinations à revisiter dans un futur plus ou moins proche (*)…

(*) Note à posteriori: J’y suis retourné en 2012 avec mes parents!

Les derniers kilomètres

Ça y est, ce matin la dernière (toute petite) étape nous attend. On replie la tente et on part en direction de basse vallée, que l’on atteint après environ 2 heures de marche. On profite de notre retour à la civilisation pour déguster un vrai petit déjeuner: café, pains au chocolat et jus de fruit.

L’horaire de bus est dans un sale état et passablement difficile à décoder. Posés sur notre banc de pierre, il ne nous reste plus qu’à attendre… La sortie d’un service religieux crée momentanément un petit bouchon sur la route, puis tout redevient calme. Le bus se pointe assez rapidement, et nous voici en route pour Saint-Pierre, que nous atteignons après environ 1h de trajet. Nous trouvons rapidement un petit hôtel où nous commençons par un décrassage intégral bienvenu. La douche permet d’enlever cette partie du bronzage qui part à l’eau, et nous voici propre mais revêtu du hâle du randonneur ayant marché pendant 2 semaines dans la même direction; vers le Sud.

On profite de notre unique passage dans la civilisation lors d’un jour ouvrable pour écrire les cartes postales et ramener quelques spécialités. En dehors de cela, surtout après avoir passé deux semaines dans les magnifiques Hauts sauvages, Saint-Pierre ne présente que peu d’intérêt, et nous sommes tout de même passablement fatigués.

Une descente vertigineuse

On se lève un peu plus tôt que prévu, la faute à la personne dormant au-dessus de Matteo et qui se retournait comme une crêpe depuis 4h du matin, fait que j’avais d’abord faussement attribué à Matteo (J’avais toutefois une bonne raison de le soupçonner). On quitte donc la chambre vers 6h30, faute de pouvoir dormir. Ahh, la tranquillité du bivouac n’a pas de prix… Après un café et munis une fois encore de nos copieux pique-niques, nous nous mettons en route.

De 2300 mètres d’altitude, nous devons redescendre jusqu’à 700m. Comme hier, nous nous situons à la limite supérieure des nuages, mais ceux d’aujourd’hui sont plus tenaces et il fait assez froid. Nous longeons le rempart vers le Sud-Ouest, mais bien que nous devrions bénéficier de jolies échappées sur le volcan, la brume sans cesse mouvante garde le cône et le fond de l’enclos cachés à nos yeux. Le ciel se dégage lorsque nous commençons notre plongée vers la côte, qui débute quelque peu dans la boue et nous fait craindre le pire. L’endroit s’appelle Foc-Foc, et c’est exactement le bruit que nos chaussures font sur le sol. Donc une fois encore, voici un nom super bien trouvé. Toutefois, le sol redevient rapidement pierreux et sans terre, et par moment, nous marchons sur de véritables serpents de lave solidifiée.

Superbe forêt touffue moite et brumeuse en redescendant vers Basse Vallée.

La végétation commence à reprendre ses droits et colonise les nombreux petits pitons volcaniques qui se trouvent dans la pente. Le paysage est magnifique et s’étend jusqu’au bord de la mer, 2000m en contrebas. Plus on descend plus les arbustes grandissent jusqu’à devenir plus hauts que nous. En quelques mètres, la végétation change brusquement du tout au tout, et nous pénétrons dans une épaisse forêt vert-foncé et plongée dans une brume moite et dégoulinante. La progression est un peu ralentie, mais la beauté du chemin mérite bien ces quelques petites difficultés.

A 700 mètres d’altitude, nous trouvons un kiosque avec une zone de gazon plate à côté: le coin parfait pour notre dernier bivouac. Le gîte de basse-vallée n’étant pas loin, je vais chercher des bières fraîches et des flûtes (bonbons en créole) et nous nous installons pour la soirée

Un explorateur dans une forêt bien touffue et humide

Bienvenue au Mordor

Après une bonne nuit de sommeil, nous partons pour une balade de santé: laissant presque toutes les affaires au gîte, et munis d’un copieux pic-nique fourni par ce dernier, nous partons à la découverte du piton de la fournaise. Une courte montée nous amène au pas de Bellecombe, au bord de la falaise qui borde l’enclos. Une série de marches nous conduit ensuite au bas de la falaise pour une promenade sur la lave.

Ici, Sauron reigne en maître. Nous avons trouvé le Mordor!

Le sentier montant au sommet du cratère est fermé suite à des éboulements, et normalement interdit d’accès. Cela n’empêche pas de nombreux touristes de s’y aventurer. Puissent-ils servir de sacrifice humain au dieu Volcan… (L’important, dans les offrandes faites aux volcans, c’est de garder à l’esprit qu’ils ne digèrent pas le lactose, n’est-ce pas Guybrush?) Nous empruntons donc un autre sentier qui part sur le flanc Ouest du volcan, vers le cratère Rivals. La première partie du “sentier” (plutôt des marques de peintures peintes sur la lave pour ne pas se perdre en cas de brouillard) traverse l’enclos sur de vastes coulées de lave solidifiée en roche bien stable. Il est encore tôt, et le soleil n’a pas encore réchauffé l’air. Des montées de brouillard nous encerclent donc et donnent au paysage un air encore plus inquiétant. Peu à peu, la nébulosité se dissipe et nous laisse apercevoir l’imposant dôme (ou plutôt le “domme” pour adopter la prononciation française) du piton de la fournaise.

Une fois arrivés au pied du volcan, et lorsque le sentier commence à s’élever, le sol change du tout au tout. Nous passons sur plusieurs coulées de lave, tantôt formées de nombreuses scories, ou de roche vitrifiée ayant un aspect brillant et huileux. Les couleurs passent du noir foncé au rouge en passant par le mauve. En progressant vers l’Ouest, de nombreux cratères secondaires apparaissent, dans un décor exclusivement minéral ressemblant au Mordor de Tolkien.

Pas besoin de s’éloigner beaucoup du Volcan pour retrouver une abondante végétation. Ici sur le bord du rempart à l’Est du pas de Bellecombe.

De retour au gîte dans le courant de l’après-midi, nous profitons de la jolie vue, puisqu’aujourd’hui, le temps est resté bien dégagé. Par contre, pas question d’aller s’assoir sur le balcon du gîte: ce dernier n’étant que décoratif et pas homologué pour supporter des carcasses humaines! On se pose donc sur l’herbe un peu plus haut. Un couple et deux gamins insupportables se trouvent aussi devant le gîte. Je fais croire à Matteo que les parents s’offrent une chambre double et casent leurs mioches en dortoir, et que ces derniers seront dans notre chambre. Je dois vite avouer qu’il s’agit d’un plaisanterie, en voyant le rictus d’horreur déformer le visage de mon coéquipier!

Vue depuis le Piton Sale: Barrière rouillée, brume et forêt…

Arrivent soudain au gîte 2 silhouettes connues: il s’agit du couple croisé au gîte de la plaine des Chicots lors de notre premier jour de randonnée. Matteo avait trouvé leur accent particulier, et en les entendant discuter, il devient clair qu’ils sont belges. Donc nous ne sommes pas les seuls touristes non français sur l’île. (Ah oui, à Cilaos on a entendu une famille parler Schwiitzertüütch). On se retrouve d’ailleurs à côté d’eux au repas du soir, et vu qu’ils on fait le même itinéraire que nous (avec un jour de repos à Cilaos), on en profite pour échanger nos points de vue. Que ce soit ce que l’on a aimé (Mafate, Ti col, superbe itinéraire en général), et ce qui était plus douteux (guide ff randonnée, boue en descendant sur la plaine des cafres et “glauquise” du gîte de la plaine des Chicots).

De végétal à minéral…

Au réveil, même topo que le soir: temps écossais de catégorie 3. Mais tout d’un coup, le soleil fait une timide apparition, le temps d’apercevoir les montagnes environnantes et de s’assurer que nous sommes toujours à la Réunion. Quand on part, le soleil est bien là: tant mieux! La plaine des Cafres se présente donc sous un jour bien meilleur, et il est très agréable de progresser le long du sentier. Il y a certes un passage un peu boueux, mais ce n’est rien comparé à hier.

L’itinéraire commence sur des prairies grasses sur lesquelles se prélassent des troupeaux de vaches. Pour passer de champs en champs des échelles en V inversé de 4 ou 5 marches permettent de franchir les clôtures. Si certaines sont en bois massif et facile à passer, d’autres en métal et mal fixées sont plus délicates à négocier. Il est certain que les vaches ne savent pas gravir les échelles, mais (c’est en tout cas le cas de leurs consoeurs helvétiques), elles ne devraient pas non plus être capable de franchir ces petits tourniquets qui poussent dans nos champs, et ces derniers sont tellement plus agréables à franchir pour les piétons.

Un fier conquérent à la conquête du Piton de la Fournaise.

Il y a 900m de dénivelé à franchir pour atteindre le gîte du Volcan où nous dormirons ce soir (l’absence de point d’eau et de ravitaillement nous pousse à temporairement abandonner le camping). Mais une fois n’est pas coutume ce dénivelé s’effectue en pente douce, sur un chemin facile à parcourir. Au fur et à mesure de notre progression, nous quittons le paysage essentiellement végétal de la plaine des Cafres pour un monde de plus en plus minéral, bien que la verdure demeure encore bien présente.

Le volcan reste bien caché jusqu’à ce que nous parvenions à l’oratoire Ste Thérèse où nous pique-niquons. De là, superbe vue sur la plaine des sables et le volcan, même si la brume s’amuse à nous cacher la vue de temps en temps… Lors de la traversée de la plaine des sables, la végétation s’efface presque totalement. Des cristaux de glace sur le sol laissent à penser qu’il ne fait pas chaud la nuit par ici.

Le sentier pédestre traversant la plaine des sables.

Nous arrivons au gîte avec le soleil, mais les nuages ne tardent pas à nous englober. Souper au gîte le soir: le repas nous apparaît princier par rapport à nos habituels pâtes ou riz. Nous allons ensuite rapidement nous coucher, car cette magnifique étape sous le soleil nous aura tout de même bien fatigués: après le rhum arrangé accompagnant le dessert, nos yeux se fermaient tout seul.